Ecole Vénitienne, XVIIIe Siècle. Allégories des Quatre Continents

Les quatre œuvres illustrées, de dimensions modestes, représentent les Allégories des continents connus jusqu’alors : Europe, Afrique, Asie et Amérique. Du XVIe siècle au XVIIIe siècle, les personnifications des quatre continents ont été un thème artistique qui a connu une grande popularité, de la peinture à la sculpture, des estampes et des gravures aux services en porcelaine. Parmi ceux-ci se trouvent les célèbres fresques réalisées par Giambattista Tiepolo (1696-1770 avec son fils Giandomenico à la résidence des princes évêques de Wurzburg, vers 1752.

L’artiste des quatre œuvres illustrées, dont l’identité est inconnue mais qui peut être insérée dans le contexte vénitien, construit les images en se référant en partie au texte de 1593 de Cesare Ripa, Iconologie.

école Vénitienne, XVIIIe Siècle. Allégories des Quatre Continents. (c) Ars Antiqua srl, Proantic

Le Ripa prévoit pour l’allégorie de l’Europe une « Femme très riche vêtue d’habito Regale de plusieurs couleurs, avec une couronne sur la tête, […] il y aura un cheval, des trophées, des boucliers, et plus de sort d’armes ». Parmi les œuvres examinées, l’Europe se distingue en effet par la figure féminine vêtue de robes élégantes et fastueuses aux tons bleus et dorés, accompagnée d’un cheval.

Pour l’Asie par contre le Ripa indique une « Femme couronnée d’une très belle guirlande de fleurs vagues, […], sera vêtue d’habit très riche, tout brodé d’or, de perles et autres joies d’estime; dans la main droite elle aura des ramuscelli avec des feuilles, et des fruits de cassia, du poivre et des œillets, […] Sur la gauche, il y aura un bel encensoir, artifiteux, dont on voit beaucoup de fumée. Près de cette femme, il y aura un Camelo couché sur ses genoux, ou d’une autre manière, comme il semble le mieux au peintre avisé et discret ». L’Asie est donc reconnaissable, parmi les peintures examinées, dans la figure avec une coiffe, vêtue d’un élégant vêtement de brocart vert surmonté d’un manteau rouge et qui, agenouillée, porte un encensoir.
En arrière-plan se trouve également le chameau, attribut indiqué par le Ripa.

école Vénitienne, XVIIIe Siècle. Allégories des Quatre Continents. (c) Ars Antiqua srl, Proantic

En ce qui concerne le continent africain, notre peintre inconnu ne s’en tient pas toujours à la description du Ripa : En effet, il décrivait pour l’Afrique une femme brune semi-déshabillée. Ici, au lieu de cela, nous voyons une figure masculine, la poitrine enveloppée à moitié de draperies bleues tenues par une ceinture d’or et de pierres précieuses. Autour du cou un collier précieux, ainsi que la couronne somptueuse qui porte autour du front. Sous lui se trouve « un lion féroce » également indiqué dans l’iconologie, qui regarde de manière menaçante le spectateur.

école Vénitienne, XVIIIe Siècle. Allégories des Quatre Continents. (c) Ars Antiqua srl, Proantic

Le Ripa en fait une description assez inquiétante de l’Amérique : « Femme nue, de teint sombre, de jaune mixte, de visage terrible, et qu’un voile rayé de plusieurs couleurs en tombant d’une épaule à travers le corps, lui recouvre les parties honteuses ». La peinture à l’examen, en revanche, prévoit une figure masculine de teint foncé, habillée comme indiqué par le Ripa mais dans l’ensemble, elle nous apparaît moins menaçante que ce qui est indiqué par le texte de référence. Au pied du continent personnifié, il y a « un lézard, au-dessus d’un Ligure de grandeur démesurée ». En général, l’auteur réalise des compositions assez essentielles en caractérisant les Allégories, insérées dans des contextes naturels, avec peu d’éléments par rapport à la multitude de détails fournis par le Ripa, auxquels font appel d’autres artistes, dont le guitariste Tiepolo.

école Vénitienne, XVIIIe Siècle. Allégories des Quatre Continents. (c) Ars Antiqua srl, Proantic

Le Metropolitan Museum de New York conserve également des fresques représentant les quatre continents détachés au XXe siècle du Palazzo Valle Marchesini Sala à Vicence. Ici, l’artiste s’essaie à des compositions moins scénographiques que celles de Wurzburg, même pour des raisons d’espace évidentes, mais il s’en tient avec ponctualité aux indications de Cesare Ripa. Le vénitien Jean-Baptiste Crosato ( 1686 ou 1697 – 1758) est lui aussi confronté au même thème dans quatre toiles conservées au Salzburger Barockmueum de Salzbourg.

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