"Rare Rapière Ambidextre (pour Gaucher? ) Saxe XVIIème"
C'est une très curieuse rapière. Si le style général dénote une forte influence du goût espagnol, les différences sont cependant notables :
En effet la poignée présente des viroles en acier découpé en crénaux (elles sont sans aucun décor sur les rapières espagnoles)
Les bandes de galuchat séparées par des rubans d'acier sont exactement semblables à ce que l'on peut voir sur les poignées des dagues saxonnes du XVIIème.
La lame n'a absolument pas le morphologie des lames espagnoles, et les gouttières multiples sont plutôt caractéristiques des fabrications de Solingen.
Enfin la garde est strictement symétrique permettant une prise par la main gauche sans aucune difficulté. Ceci n'est pas le cas pour les gardes des rapières espagnoles dites en "boca de caballo" (= bouche de cheval)
LAME : c'est une lame à double tranchant.. Trois fines et profondes gorges vont de la garde jusqu'à à la pointe
sur chaque face sont gravées des inscriptions, un peu maladroites.
Face exterieure " X X X S X O X L X I X N X G X E X N X M X E X F X E X C X I X T X X X " (Solingen m'a faite)
Face intérieure " X X X I . O . H . A . N . N . N . O . L . G . E . N . S X X X "
Un Johann Nolgens est répertorié effectivement à Solingen, actif entre 1624 et 1640, c'est l'un des trois fils, (tous fabricants d'épées) de Diederich Nolgens (actif de 1610 à 1630).
Il est difficile de se prononcer sur cette signature, qui est gravée de façon un peu imprécise, mais d'autre part la famille Nolgens ne fait pas partie des grands noms célèbres de Solingen, donc une gravure un peu malhabile est possible.
Longueur de la lame 86 cm, largeur près de la garde 3 cm épaisseur près de la garde 0.7 cm, point de balance = à 4 cm de la coquille de garde
GARDE : C'est une garde à double coquille parfaitement symétrique
Sur chaque face se trouve un orifice pour la dragonne, qui est chemisé par une pièce en cuivre découpée en forme de fleur.
La branche de garde est solidement reliée à la coquille par des doubles" pas d 'âne" (anneaux pour les doigts. Ce montage très robuste est peu courant.
On notera sur la face interne de la garde, autour de l'orifice de la lame un ajustage à l'étain, qui se faisait lorsqu'une lame présentait un jeu trop important avec la garde. Cet ajustage est peut-être postérieur, mais il n'est pas actuel.
Les quillons sont droits, leur extrémité est légèrement décorée en cone inversé.
La branche latérale de la garde remonte jusqu'au niveau du pommeau.
POMMEAU : Curieuse forme bi-conique avec une gorge au niveau de la jonction des 2 cônes.
FUSEE : C'est une fusée de type saxon Les viroles sont en fer, découpées en forme de créneau. Quatre banndes d'acier rejoignent ces deux viroles et séparent quatre parties recouvertes de peau de raie (appelée aussi "galuchat").
Il s'agit donc d'une curieuse rapière militaire, à la lame et à la monture très robustes, très probablement une commande particulière d'un gaucher, car à cette époque la discrétion était de mise pour les gauchers, qui étaient assez mal vus par l'Eglise, tout comme les rouquins (en mémoire de Judas l'Iscariote).
La discrétion donc s'imposait au niveau des armes portées à la vue de tous, qui ne devaient pas permettre d'identifier la particularité de leur propriétaire au premier coup d'oeil.
Cette épée inhabituelle présente une jolie patine homogêne. Ce n'est pas le seul cas d'épées dans le style espagnol réalisées et portées dans les régions germaniques.
Ce genre de monture a été en vogue outre-Rhin au 17ème siècle, sans doute en rapport avec les affrontements entre les Impériaux et les soldats des Tercios espagnols au niveau des Flandres (guerre "des 80 ans" 1568-1648)..
Objet collecté en Prusse Orientale, région d'Allenstein, d'après les informations données par le précédent propriétaire
Ref X2242