(Paris, 1819 – Coubron, 1885)
Les corbeaux, plaine de Chartres
Huile sur toile
H. 33 cm ; L. 41 cm
Signée et dédicacée en bas à droite « à Me Boussaton »
Probablement vers 1884
Œuvres en rapport :
- Tableau du Salon de 1885, numéro 2199, titré En pays chartrain, conservé au Musée des Beaux-Arts de Chartres, au style et à la composition proches
- Tableau conservé au musée de Chartres, titré Scène de labours en Beauce
Provenance :
-Me Auguste Jules Boussaton (1821-1901), commissaire-priseur et collectionneur ;
-Sa vente, 5 juin 1901, Hôtel Drouot, lot 77 « Les corbeaux, plaine de Chartres ».
Avant d'entreprendre le grand voyage en Italie, Alexandre Sègé s'est formé auprès de Léon Cogniet et du paysagiste Camille Flers. Hormis quelques vues de Suisse, son œuvre sera essentiellement consacré à la France : la Corse, qu'il visite très tôt, dans les années 1840, le Pas-de-Calais et surtout la Bretagne qu'il découvre en 1838 et où il revient régulièrement. S'il séjourne essentiellement à Erquy et au Cap Fréhel, où il passe la guerre de 1870, il est également attiré par les landes austères des Monts d'Arrée. Bien qu'il expose régulièrement au Salon depuis 1844, il lui faudra attendre plus de trente ans avant de recevoir une médaille de deuxième classe, en 1873, puis la Légion d'honneur l'année suivante.
Travailleur austère, artiste sincère, lettré et délicat, il est décrit par Louis Enaut, dans Paris Salon de 1882, comme « … à coup sûr un des plus grands paysagistes de notre époque … la nature est pour lui l’objet d’un culte sincère et pieux ; il éprouve une émotion véritable quand il prend ses pinceaux pour la peindre… ».
Dans L’Artiste, à l’occasion du Salon de 1877, Arsène Houssaye écrit : « Aussi ne se trompe-t-il jamais sur la gamme des ciels, des eaux, des arbres et des herbes. Il en pénètre l’harmonie intime ». Ségé est le peintre des vastes étendues aux horizons lointains et dégagés, traités avec simplicité et réalisme, où il se montre proche d’un artiste tel qu’Antoine Chintreuil. Mais dans notre tableau, il y ajoute une touche que nous pourrions considérer comme allemande, ou tout du moins nordique. La comparaison avec le travail d’un certain Friedrich est assez tentante... L’ambiance orageuse, les corbeaux tournant au premier plan au point d’occuper les trois-quarts de l’œuvre, les meules et la cathédrale présentées comme de simples silhouettes, sont autant d’emprunts à une imagerie
fantastique et romantique. L’oeuvre se situe dans l’esprit de sa plus célèbre peinture, En pays chartrain, ample et grande composition (136 x 204 cm) aux plans différenciés où la lumière et
l'espace servent d'écrin à la cathédrale de Chartres. Un autre tableau du même style, de dimensions similaires au nôtre, a récemment été acquis par le musée de Chartres.
L’intérêt pour Chartres s’explique par l’ancrage de la famille de Ségé dans cette ville, dont son père, rôtisseur, est natif (et où ses oncles et cousins sont actifs dans les métiers de bouche et d’élevage), même s’il se fixera à Bondy (actuelle banlieue est de Paris) vers 1840. Alexandre sera d’ailleurs, de 1881 à 1883, maire de Coubron, commune voisine de Bondy et où son ami Corot s’était installé dans les années 1870/75. A noter que les bâtiments visibles dans ces tableaux chartrains sont probablement ceux du hameau de Sèche Côte, à Champhol.
Le dédicataire du tableau, Auguste-Jules Boussaton (1821 – Monaco, 1901), était un célèbre collectionneur et commissaire-priseur, spécialisé dans les ventes d’artistes (œuvres d’un même peintre, ventes de bienfaisance pour des veuves d’artistes, etc…). Il arrêta officiellement son activité en 1876, remplacé par son jeune confrère Tual, mais continua à être actif dans le milieu de l’art, en montant des expositions. Il avait notamment organisé le 12 mai 1874 la vente de 32 tableaux d’Alexandre Ségé, et les deux hommes entretenaient des liens amicaux.