PEINTURE À L'HUILE-JAN ERASMUS QUELLINUS DIT SEDERBOOM-LA SAINTE FAMILLE-1695

Jan Erasmus Quellinus dit Sederboom
(Anvers, 1634 – Malines, 1715)

La Sainte Famille

Huile sur sa toile d’origine (cousue au centre)
90 x 65,5 cm
Beau cadre noir et or du XVIIe siècle

Cette toile est la reprise de la partie centrale d’une grande Sainte Famille conservée dans l’église Saint-Just à Arbois (Jura). Signé de Jean-Erasme Quellinus le Jeune, ce tableau peint à Anvers est daté de 1695. L’extraordinaire qualité de traitement de la grappe de raisin permet d’affirmer qu’il s’agit probablement, sinon d’un modello, du moins de la reprise autographe d’un élément essentiel de l’œuvre – et qui lui donne son sens.

Jan Erasmus Quellinus est l’héritier d’une illustre dynastie d’artistes anversois. Son grand-père, Erasmus I Quellinus, était sculpteur. Son père, Erasmus II, était un peintre important et cultivé, un doctus pictor qui travailla avec Rubens et participa à de grandes commandes décoratives. Ses oncles étaient, l’un graveur, l’autre sculpteur. Formé dans l’atelier paternel, Jan Erasmus fit en 1660 le voyage d’Italie, ce qui contribua à lui donner de solides bases classiques. De retour à Anvers, il fut inscrit comme maître auprès de la guilde de Saint Luc et épousa la fille du peintre David II Téniers. Nommé ingénieur du château d’Anvers en 1674, il reçut en 1680 le titre de « peintre de la chambre de Sa Majesté impériale ». Il oeuvra pour des églises et couvents et tint un atelier qui forma de nombreux apprentis. Mais assailli à la fin de sa vie par des problèmes financiers, il mourut ruiné et presque aveugle.

L’iconographie de notre tableau est singulière et peut se lire de deux manières, peut-être complémentaires. Saint Jean Baptiste et un ange apportent à l’enfant Jésus, assis sur les genoux de la Vierge, une monumentale grappe de raisins qui semble être la grappe de Canaan – cette grappe géante que, selon la Bible, les enfants d’Israël vendangèrent dans la vallée d’Eschcol, et qu’ils rapportèrent à Moïse et Aaron en leur disant ceci : « Nous sommes allés dans le pays où tu nous as envoyés. A la vérité, c’est un pays où coulent le lait et le miel, et en voici les fruits. » Les deux enfants portent la grappe sur une perche, à la manière des figures au premier plan de L’Automne de Nicolas Poussin. Debout derrière la Vierge, saint Joseph montre du doigt ce qui pourrait être au loin la terre promise.

Cependant, cette interprétation ne suffit pas à expliquer le regard sombre, l’air morose du petit Jean Baptiste dans sa peau de berger, ni les larmes qui coulent sur les joues de l’ange. Car l’on se relie ici à une autre signification du raisin, symbole du vin de l’eucharistie et par conséquent du sang du Christ. « La première grappe pressée dans le pressoir fut le Christ, dit Saint Augustin ; et celle-ci une fois pressée par la Passion, ce qui resta de ceci fut ce calice enivrant. » Dès l’enfance du Christ, la grappe préfigure la Passion, et ce pressentiment assombrit le paisible portrait de la Sainte Famille.

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