Trompe-l’œil: imitations, pastiches et autres illusions

Le musée des Arts décoratifs présente l’art du trompe-l’œil ( faux marbre, faux parquets, faux plafonds …) jusqu’au 15 novembre 2013 à travers 400 objets sortis de ses collections. Comme un jeu de piste à travers les siècles et les matières, c’est au grand jeu de l’illusion que nous convie cet accrochage. Réunis en douze thèmes, jamais ou rarement montrés les objets se font écho et témoignent des inventions techniques et artistiques.

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Le trompe-l’œil est, comme son nom l’indique, destiné à tromper l’œil et trouve son origine dans les fresques et mosaïques antiques. Le récit le plus ancien qui marque le début du trompe-l’œil est celui de Pline l’Ancien. Il rapporte dans son Histoire naturelle comment le peintre Zeuxis (464-398 av. JC), dans une compétition qui l’opposait au peintre Parrhasius, avait représenté des raisins si parfaits que des oiseaux vinrent voleter autour. Si l’Antiquité est le point de départ de cette illusion parfaite, la Renaissance et le Maniérisme vont amplifier ce phénomène avant que la période Baroque n’en fasse un genre à part entière. La virtuosité atteint alors son comble et cette illusion doit alors beaucoup aux techniques de la perspective et du clair-obscur. Toutes les périodes vont s’y intéresser, même si les supports et les enjeux ne sont plus les mêmes.

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Papier Peint à motif répétitif Manufacture José Dufour

En art décoratif, cette « tromperie des yeux » recouvre différentes réalités : l’imitation, le pastiche ou les illusions d’optique. Elle s’applique autant à l’objet (céramique, orfèvrerie, papierpeint, bijou…) qu’à la mode ou à l’affiche. Cette tromperie concerne autant la matière, la technique, le sujet que l’usage. On observe par exemple, que de nombreuses matières vont être imitées par d’autres : la céramique imite le jaspe, les roches rares, le porphyre ou l’or ; le linoléum, le plancher ; le strass, le diamant ; la broderie, le bijou… La virtuosité devient très vite le principal ressort de ces recherches.

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Tabouret d’aisance – tabouret d’affaires
Inscription sur le dos des volumes : THOMAS/DIAPHORU/OPERA
France, vers 1770
Bois doré et cuir
Legs Margaret Blake-Gould, 1933, inv. 29374
© Les Arts Décoratifs / Photo : Jean Tholance

Plus seulement ersatz bon marché de matières luxueuses, ces techniques deviennent des savoir-faire propres à développer la maîtrise des artisans. Le papier-peint sera le support idéal de cette forme d’expression. Capable de toutes les illusions, il reproduit tous les matériaux, du plus modeste au plus somptueux : bois, laque, faïence, paille, velours ciselé. Il peut même se substituer à une huile sur toile et à son encadrement de bois doré.

L’objet nous trompe sur sa matière comme il peut nous tromper sur sa fonction. Un objet peut en cacher un autre : dissimuler ce qui doit rester discret ou jouer sur la notion de surprise. Que trouve-t-on derrière la façade d’un secrétaire ou qu’est-ce qu’un « cabinet d’affaire » ? En jouant avec les styles et les références, l’objet nous trompe aussi sur son époque. Le Moyen-Âge réinterprète l’Antique alors que le XIXe siècle imite le Moyen-Âge, la Renaissance ou les civilisations orientales…

Plaque murale en forme de cage à oiseau, recouverte d’une tente à rideaux bleus Delft, vers 1780 Faïence de grand feu Legs Mademoiselle Mimaut, 1911, inv. 17094 © Les Arts Décoratifs / Photo : Jean Tholance
Plaque murale en forme de cage à oiseau, recouverte d’une tente à rideaux bleus
Delft, vers 1780
Faïence de grand feu
Legs Mademoiselle Mimaut, 1911, inv. 17094
© Les Arts Décoratifs / Photo : Jean Tholance

De grands créateurs s’illustrent d’ailleurs dans ces domaines : Théodore Deck revisite les arts de l‘Islam, Gabriel Viardot ceux de la Chine ou du Japon, tandis que Charles-Jean Avisseau travaille à la manière de Bernard Pallissy. Ce système de références est un des ressorts utilisé au XXe siècle par les publicitaires qui font notamment allusion aux chefs-d’oeuvre de la peinture pour imaginer leurs campagnes.

Au-delà du trompe-l’oeil, les jeux fondés sur les mécanismes de la vision, effets d’optique et illusions visuelles sont tout autant utilisés par les créateurs pour troubler la perception du réel. La mode, plus que tout autre domaine, assume et revendique le théâtre des illusions les plus folles. Du XVIIIe au XIXe siècle, perruques, tournures, fauxcul sont autant là pour tromper que pour sublimer le corps et le vêtement.

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(c) Musée des Arts Décoratifs

Comme un jeu de piste à travers les siècles et les matières, c’est au grand jeu de l’illusion que nous convie cet accrochage. Réunis en douze thèmes près de 400 objets, jamais ou rarement montrés se font écho et témoignent des inventions techniques et artistiques. De « Ombre et lumière » à « Une matière peut en cacher une autre » en passant par « Optique hypnotique » ou l’évocation d’une vraie fausse Period Room, le visiteur aura les clefs pour découvrir les artifices du trompe-l’oeil et de l’imitation.

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