Le printemps de la Renaissance, la sculpture et les arts à Florence, 1400- 1460

Filippo Brunelleschi ou Nanni di Banco,

Le Musée du Louvre présente l’exposition  du 26 septembre 2013 au 6 janvier 2014

Après les grandes expositions consacrées en 2012 aux maîtres de l’apogée de la Renaissance que sont Léonard de Vinci et Raphaël, le musée du Louvre, avec le musée national du Bargello et la Fondation Palazzo Strozzi, se penche sur la genèse de cet immense mouvement artistique et culturel qui naît à Florence au début du XVe siècle.

La sculpture, qui tient une place majeure dans ce renouveau, est le sujet central du printemps de la Renaissance. L’exposition rassemble 140 œuvres, dont plusieurs monumentales, dans un parcours thématique qui fait rayonner autour des sculptures peintures, dessins, manuscrits, pièces d’orfèvrerie et majoliques.

Donatello. Buste reliquaire
Donatello. Buste reliquaire de San Rossore, vers 1424-1427.
Pise, musée national de San Matteo © Scala, Florence

Les sculptures de Donatello – statues monumentales, bustes ou reliefs forment l’un des fils directeurs du parcours, à travers quelques uns des plus grands chefs d’œuvre de celui qui est probablement l’artiste le plus créatif du siècle. Il n’éclipse cependant pas les œuvres magistrales d’autres sculpteurs illustres, comme Ghiberti, Nanni di Banco, Luca della Robbia, Nanni di Bartolo, Michelozzo, Agostino di Duccio, Desiderio da Settignano ou Mino da Fiesole. Leur nombre et leur diversité montrent bien combien la première moitié du siècle fut exceptionnellement riche en créateurs de premier plan.

Chaque sculpteur est représenté par plusieurs œuvres, afin que le public puisse apprécier l’apport et la diversité du travail de chacun. Les panneaux de Brunelleschi et de Ghiberti pour le concours de la seconde porte du Baptistère de Florence (1401), les sculptures monumentales de Donatello pour Orsanmichele et pour le Campanile, les splendides terres cuites émaillées de Luca della Robbia ou l’exceptionnelle série de bustes florentins qui clôturent le parcours sont quelques unes des œuvres majeures qui révèlent l’éclosion de la création à Florence. Elles comptent parmi les éléments essentiels qui font de cette cité le foyer inégalé de la création du nouveau style de la Renaissance, entrainant la naissance et la persistance du « mythe» de Florence à travers les Siècles.

Les dix sections s’enchainent en mettant l’accent tantôt sur les thèmes et les styles, tantôt sur le contexte social et culturel qui sert de matrice aux œuvres. L’apport capital de l’Antiquité grecque et romaine est constamment présent dans le parcours, grâce à la présence d’œuvres antiques importantes ayant influencé des œuvres du Quattrocento. Ces approches riches et variées, intimement liées les unes aux autres, permettent de comprendre le secret de l’éclosion de cette Renaissance florentine.

Lorenzo Ghiberti, Le Sacrifice d'Isaac, 1401,
Lorenzo Ghiberti, Le Sacrifice d’Isaac, 1401, bronze partiellement doré.
Florence, musée national du Bargello

 

L’exposition bénéficie des prêts exceptionnels accordés par les musées et églises de Florence et de Toscane, en premier lieu ceux du musée national du Bargello, ainsi que ceux d’autres grands musées italiens (Naples, Milan…). Elle doit aussi beaucoup à la grande générosité des plus importants musées européens (Londres, Berlin, Francfort, Lille, Lyon) et américains (New -York, Washington, Philadelphie, Cleveland). Plusieurs œuvres ont été rendues à leur splendeur originelle grâce à une vaste campagne de restaurations menée conjointement depuis deux ans par la Fondation Palazzo Strozzi et le musée du Louvre ; on pourra ainsi revoir l’imposant Saint Louis d’Anjou (ou Saint Louis de Toulouse – 1425) du musée de l’Œuvre de Santa Croce, statue en bronze doré de Donatello.

L’héritage des Anciens

L’exposition s’ouvre sur une vue panoramique de la Pré-Renaissance, intitulée «l’Héritage des Anciens». Elle présente d’abord des œuvres marquantes du renouveau des XIIIe et XIVe siècles, qui intègrent les apports de l’Antiquité classique, de la Grèce et de Rome. Autour du Cratère des talents de Pise, l’une des œuvres romaines les plus connues à cette époque, se déploient des œuvres de Nicola Pisano, Arnolfo di Cambio, Giotto, Tino di Camaino et leurs successeurs. Les sculptures de Giovanni Pisano illustrent bien l’apport de la richesse expressive du gothique, en particulier du gothique français, que Giovanni Pisano va mêler à ces fondements classiques.

Donatello. Saint Georges et le dragon,

Donatello. Saint Georges et le dragon, vers 1417.
Florence, musée national du Bargello. © Lorenzo

L’aube de la Renaissance et La romanité civique et chrétienne

A l’aube du XVe siècle émerge le « nouvel âge». Il est incarné par des œuvres exceptionnelles, notamment les deux reliefs du Sacrifice d’Isaac de Lorenzo Ghiberti et Filippo Brunelleschi réalisés pour le concours de 1401 de la Porte du Baptistère, et par le symbole par excellence de la cité : la Coupole de la cathédrale de Florence de Brunelleschi, défi permis par une révolution architecturale et technique, représenté ici par sa maquette originale en bois. La République florentine atteint alors son apogée. Les succès politiques de la cité toscane, sa puissance économique et sa paix sociale sont utilisés par les humanistes pour forger dans leurs écrits cette romanité civique et chrétienne, vision mythique d’une Florence héritière de la république romaine, prête à s’ériger en modèle pour les autres États italiens.

C’est pour les chantiers majeurs de la cité – la Cathédrale, le Campanile ou l’église Orsanmichele – que Donatello, Ghiberti, Nanni di Banco ou Michelozzo vont réaliser leurs chefs – d’œuvre. Ces sculptures publiques monumentales témoignent avec éloquence de la transformation stylistique fondamentale à l’œuvre et créent un nouveau langage plastique, tout en se faisant l’outil de l’exaltation de la civilisation florentine. La confrontation de la statue de Saint Matthieu (1419-1422) de Ghiberti et du Saint Louis de Toulouse (1422 – 1425) de Donatello, démontre comment la statuaire s’approprie une nouvelle monumentalité et une force expressive inédite.

Donatello, Deux “Spiritelli”
Donatello, Deux “Spiritelli” (de la “cantoria” de la cathédrale), 1439
© musée du Louvre, Dist.RMN-GP / Philippe Fuzeau

Les spiritelli entre sacré et profane

Des thèmes majeurs de l’antiquité classique, notamment chez Donatello, sont progressivement assimilés et transformés pour constituer ce nouveau langage de la Renaissance. Des thématiques émergent et renouvellent le champ de la création. Cette section montre comment les spiritelli, ces figures de « petits esprits » issus des sarcophages antiques, se multiplient sur les monuments florentins, alliant force et légèreté. Ils deviennent un signe visible du nouveau style.
Les deux splendides Spiritelli , vivants et moqueurs, créés par Donatello pour la cantoria de la cathédrale de Florence ou l’élégant Chapiteau de la chaire de la Sainte Ceinture de Prato comptent parmi les créations les plus abouties sur ce thème. Dans la même salle, le Génie soufflant en bronze doré de l’entourage de Donatello (New York, Metropolitan Museum), probablement une figure de fontaine, constitue l’un des exemples les plus remarquables du traitement profane de ce sujet.

Les monuments équestres

Les sculpteurs de la Renaissance florentine cherchent aussi à égaler les grands monuments équestres de l’Antiquité destinés à l’espace public. La confrontation de la réplique de la statue antique de Marc Aurèle de Filarète, l’un des premiers petits bronzes de la Renaissance, genre promis à un large succès, avec le colossal Protomé Carafa exécuté par Donatello à Naples, permet d’évoquer de façon spectaculaire le renouveau de ce genre, promis lui aussi à un brillant avenir.

La peinture sculptée et L’Histoire en perspective

L’invention de la perspective linéaire par Brunelleschi et la recherche d’un espace « rationnel » trouvent sans conteste dans la sculpture leurs formulations les plus avancées, ici mises en parallèle avec des peintures. Ces recherches s’épanouissent en premier lieu dans les bas-reliefs de Donatello, comme la prédelle de Saint Georges et le dragon (musée national du Bargello), chef d’œuvre absolu de la Renaissance, où perspective linéaire et perspective atmosphérique se conjuguent pour offrir un espace ouvert, rationnel et infini. Le relief du Banquet d’Hérode (Musée des Beaux- Arts de Lille) est l’un des exemples les plus achevés de cette révolution spatiale. Il précède les expériences sur les figures dans l’espace conduites par Desiderio da Settignano ou Agostino di Duccio après 1450.

Filippo Brunelleschi ou Nanni di Banco,
Filippo Brunelleschi ou Nanni di Banco,
La Vierge et l’Enfant (Vierge de Fiesole), vers 1405-1410.
Fiesole, diocèse de Fiesole, en dépôt au musée Bandini.

La peinture sculptée

La sculpture, et tout particulièrement la statuaire, exerce une profonde influence sur les plus importants peintres du temps. Masaccio, Paolo Uccello, Andrea del Castagno, Filippo Lippi, Piero della Francesca ont interprété la mise en forme des figures dans l’espace inventée par les grands sculpteurs de la période. L’imposante Trinité d’Andrea del Castagno (Florence, Santissima Annunziata), permet en particulier de saisir cette interprétation délibérément sculpturale des figures placées dans les deux dimensions du tableau.

Diffusion de la beauté et Beauté et Charité

Les nouveaux canons de la sculpture mis au point par les grands maîtres à partir des années 1420 sont représentés dans l’exposition par des chefs-d’œuvre, comme la Vierge Pazzi de Donatello, exceptionnellement prêtée par le musée Bode de Berlin, la Vierge Kress de Ghiberti, prêtée par la National Gallery de Washington, ou encore la Madone attribuée à Brunelleschi, venue du diocèse de Fiesole. Ils se manifestent aussi à travers une production infinie de reliefs (en marbre, en stuc polychromé, en terre cuite émaillée) destinés à la dévotion privée.
Ces reliefs diffusent et répandent dans toutes les classes sociales, comme par un effet de capillarité, un goût prononcé pour cette beauté « nouvelle ». À la même époque, les lieux publics de solidarité et de prière de la cité (hôpitaux, hospices et confréries) accueillent les commandes les plus prestigieuses. La section « Beauté et charité » montre que la sculpture joue un rôle central dans le décor des édifices. Cette position se manifeste parfaitement dans les deux chefs -d’œuvre de l’énigmatique sculpteur Dello Delli réunis ici pour la première fois depuis plus d’un siècle.

Agostino di Ducio , La Vierge et l’Enfant
Agostino di Ducio , La Vierge et l’Enfant (Vierge d’Auvilliers), vers 1460 .
Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, inv. RF 1352

De la cité au palais. Les nouveaux mécènes

L’exposition s’achève sur une mutation importante: la composante civique, très présente jusque là, laisse place au mécénat privé qui va jouer un rôle déterminant. Au moment où s’installe un principat masqué autour de la personne de Cosme de Médicis, on assiste au passage de la libertas florentine, symbolisée par les commanditaires publics, au  mécénat privé qui porte déjà le signe de l’hégémonie des Médicis. Ce faste trouve dans la sculpture l’une de ses expressions les plus abouties avec les portraits privés en buste, genre nouveau dont la genèse se situe vers la moitié du siècle.
Une magistrale galerie de portraits en buste, dits « à la florentine», clôture ainsi le parcours: avec, entre autres, le monumental Jean de Médicis de Mino da Fiesole ou la songeuse et délicate Marietta Strozzi de Desiderio da Settignano ou encore les profils d’empereurs dialoguant avec les plats en majoliques ornées des blasons des grandes familles patriciennes. L’exposition, qui s’ouvre sur l’évocation de la coupole de Brunelleschi, se clôt sur celle de la plus illustre demeure privée de la Renaissance, avec la Maquette originale en bois du Palazzo Strozzi.

 

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