Spectaculaire Second Empire, 1852-1870

Régime décrié en son temps et honni après sa chute, le Second Empire fut longtemps marqué du sceau décadent et superficiel de la « fête impériale ». Sur fond de bouleversements sociaux, cette époque de prospérité fut un temps de fastes et d’euphorie économique, d’ostentation et de célébrations multiples qu’il convient de réexaminer.
C’est également une période de crise morale et esthétique, écartelée entre les cadres culturels anciens et les nouveaux usages, entre l’hypertrophie des décors et la quête du vrai, autant d’oppositions qui déterminent pour une large part la création française des années 1850 et 1860.

Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867) Madame Moitessier 1856 Londres, The National Gallery
Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867)
Madame Moitessier
1856
Londres, The National Gallery

Pour célébrer ses 30 ans à l’automne 2016, le musée d’Orsay se penche pour la première fois sur cette première société du spectacle et de la consommation dont nous sommes les héritiers. L’exposition mêle peintures, sculptures, photographies, dessins d’architecture, objets d’art et bijoux dans un parcours foisonnant et thématique construit autour de grandes questions esthétiques et sociales qui n’ont rien perdu de leur actualité : l’art au service de la comédie au pouvoir, l’individu et son image, le goût de l’objet et du décor, les divertissements nouveaux de la société, les grands évènements artistiques que sont les Salons et les Expositions universelles.

Le Second Empire est une période de mise en scène de l’autorité où Napoléon III cherche à apparaître comme le digne héritier de son oncle, et l’impératrice Eugénie, en parfaite « première dame », dévouée aux causes charitables. Installés dans des décors hérités de la monarchie (Les Tuileries, le château de Saint-Cloud) ou sur de nouvelles scènes (le nouveau Louvre, le château de Pierrefonds), l’Empereur use des multiples évènements dynastiques ou politiques qui ponctuent son règne pour cimenter l’adhésion de la population à un régime fragile. Le baptême du Prince impérial en 1856 – représenté dans l’exposition par l’incroyable berceau offert par la Ville de Paris à Napoléon III (musée Carnavalet) – apparaît comme le premier apogée du règne, après le succès de l’Exposition universelle de 1855 et les victoires de Crimée.

Exposition "Spectaculaire Second Empire" (c) Sophie Boegly / Musée d'Orsay
Exposition « Spectaculaire Second Empire »
(c) Sophie Boegly / Musée d’Orsay

Enrichie et triomphante, fascinée par sa propre image, la bourgeoisie démultiplie à l’infini son reflet par le portait peint, sculpté ou photographié. Face à la demande, les artistes perpétuent les traditions néo-classiques (Ingres, Flandrin), ou innovent, en puisant à de nouvelles sources d’inspiration, le brio de la peinture anglaise pour Winterhalter ou le souffle du baroque français pour Carpeaux. Aux exhibitions narcissiques et aux jeux de travestissements photographiques, comme ceux de la Comtesse de Castiglione ou de l’Impératrice Eugénie, répondent les tentatives réalistes de certains peintres comme Courbet, Manet, Monet ou Degas de dépeindre l’individu « dans son milieu ».

Alexandre-Gabriel Lemonnier, Couronne de l’Impératrice Eugénie, 1855. Cuir, diamant, émeraude et or, musée du Louvre,
Alexandre-Gabriel Lemonnier, Couronne de l’Impératrice Eugénie, 1855. Cuir, diamant, émeraude et or, musée du Louvre,

La décoration et l’aménagement des intérieurs, écrins de cette société nouvelle, font l’objet d’un soin particulier où sont présentés objets de collections et mobilier flambant neuf. Quelques demeures cristallisent ces enjeux – la Villa Pompéienne du Prince Napoléon, le château d’Abbadia près d’Hendaye, folie néo-gothique, ou le château de Ferrières, luxueux écrin néo-renaissance bâti par la famille Rothschild – et sont évoquées dans l’exposition par une éclectique réunion d’objets et de vues intérieures.

Souper à Versailles en l’honneur de la reine d’Angleterre, le 25 août 1855. Eugène LAMI (1800-1890) © Photo RMN-Grand Palais - G.Blot / H. Lewandowski
Souper à Versailles en l’honneur de la reine d’Angleterre, le 25 août 1855. Eugène LAMI (1800-1890) © Photo RMN-Grand Palais – G.Blot / H. Lewandowski

Sous le Second Empire, la vie parisienne bat au rythme des nombreux bals, soirées et salons organisés par la cour la plus brillante du XIXe siècle, et dont plusieurs grandes aquarelles d’Eugène Lami ou d’Henri Baron gardent le souvenir. Paris devient le coeur de cette « fête impériale » plus politique qu’il n’y paraît, et qui soutient l’industrie du luxe.

Spectaculaire Second Empire, 1852-1870
Spectaculaire Second Empire, 1852-1870

Cette société cultive le goût des tableaux vivants, travestissements et bals costumés, où les identités s’effacent, où le monde et le demi-monde intriguent et se mêlent.
S’appuyant sur la vivacité de la vie théâtrale et lyrique parisienne, l’Empereur modernise la réglementation des théâtres, détruit de vieilles salles et lance la construction de nouveaux lieux comme les théâtres de la place du Châtelet, et le nouvel Opéra de Charles Garnier, monument-spectacle par excellence. La ville de Paris, en perpétuel chantier, métamorphosée par la scénographie haussmannienne, se fait décor à ciel ouvert et une certaine nature, artificielle, envahie l’espace urbain. Avec l’avènement du loisir et de la villégiature, de Biarritz à Deauville, naît une Nouvelle peinture, évoquée dans l’exposition par des tableaux de Boudin, Degas, Renoir ou Monet.

Lieu de la reconnaissance officielle ou du scandale, le Salon de peinture et de sculpture est à la fois un champ de bataille esthétique et un grand marché pour le nouveau public bourgeois qui s’y presse en nombre. En 1863 Napoléon III, face aux protestations des artistes rejetés par le jury, crée en parallèle du Salon officiel un « Salon des refusés », acte de libéralisation majeur. L’exposition évoque, par un accrochage sur plusieurs rangs tel que pratiqué au XIXe siècle, le choc entre les deux Salons, celui de la Naissance de Vénus de Cabanel et du Déjeuner sur l’herbe de Manet.

L’Empire de Napoléon III se met également en scène face à l’Europe lors des Expositions universelles en 1855 et 1867 à Paris, où l’Empire brille de ses derniers feux. S’y affirment l’excellence de l’industrie d’art française et l’éclectisme débridé des sources d’inspiration auxquels puisent les créateurs. L’exposition présente par une scénographie spectaculaire, ces joyeuses accumulations des plus beaux objets créés par la manufacture impériale de Sèvres, les ébénistes Fourdinois et Diehl, les orfèvres Christofle et Froment-Meurice ou encore le bronzier Barbedienne.

En savoir plus:

Exposition au musée d’Orsay  du 27 septembre 2016 au 16 janvier 2017

http://www.musee-orsay.fr/

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