Pompéi à travers le regard des artistes français du XIXe siècle

Trente-cinq ans après l’exposition Pompéi, travaux et envois des architectes français au XIXe siècle présenté aux Beaux-Arts de Paris, quai Malaquais, l’institution dévoile une nouvelle sélection de feuilles pompéiennes de sa collection. Au travers d’une cinquantaine d’œuvres d’architectes mais aussi de peintres et de graveurs, l’exposition montre comment tout au long du XIXe siècle, Pompéi est devenue une destination incontournable pour la formation des artistes français.

Félix Duban (Paris 1797- Bordeaux 1870) A Pompéia, dessin synthétique, 1832 Aquarelle sur papier
Félix Duban (Paris 1797- Bordeaux 1870)
A Pompéia, dessin synthétique, 1832
Aquarelle sur papier

En dehors de l’indéniable intérêt archéologique des feuilles présentées, qui rendent parfois compte de décors muraux ou de fresques aujourd’hui totalement disparues, la préparation de l’exposition a permis de renouveler les recherches en cours dans ce domaine, à l’heure où le gouvernement italien a lancé son vaste plan de Grand Projet Pompéi pour reprendre des restaurations et des fouilles sur le site. La richesse du fonds des Beaux-Arts de Paris est immense et celui-ci reste encore en grande partie inédit : les beaux ensembles des graveurs Gaillard et Gusman sont exposés pour la première fois, sans parler des œuvres du peintre d’architectures Jean-Charles Geslin et de l’architecte Achille Joyau, acquises au cours des années 1990.

Claude-Ferdinand Gaillard (Paris 1834 - 1887) La Préparation de la prêtresse, 1861 Aquarelle sur papier
Claude-Ferdinand Gaillard (Paris 1834 – 1887)
La Préparation de la prêtresse, 1861
Aquarelle sur papier

Un lieu d’expérimentation pour les jeunes architectes.

Redécouverte dès le milieu du XVIIIe siècle, Pompéi constitue, avec les conquêtes napoléoniennes, un chantier de fouilles important, mais aussi une nouvelle source d’inspiration pour les jeunes artistes qui souhaitent étudier les ruines antiques. D’abord limitées aux peintures et aux objets précieux, les découvertes archéologiques de Pompéi, portant sur la cité elle-même, contribuent au développement de nouveaux intérêts pour l’urbanisme et l’architecture.

Sous l’impulsion des publications de François Mazois, les architectes français, pensionnaires à l’Académie de France à Rome, se rendent régulièrement dans la ville, dès les années 1820. Ils y élaborent leurs travaux académiques, leurs célèbres « envois » de quatrième année, qui représentent les états actuels de ruines et projettent des restitutions d’édifices : le premier, FélixEmmanuel Callet dresse en 1823 une description extraordinaire du Forum, tandis qu’un siècle plus tard – en 1908 – Léon Jaussely en donne une version toute aussi spectaculaire mais plus vivante, rehaussée par la présence fourmillante d’habitants de la cité. Sa vision de Pompéi tient compte des recherches qui ont été menées par les archéologues, non seulement dans le domaine architectural mais aussi sociologique.

À ces travaux officiels, il faut ajouter les nombreux portefeuilles de relevés pompéiens que se constituent les visiteurs des lieux. D’innombrables dessins sont exécutés puis diffusés de main en main afin d’être copiés par des amis ou des élèves. Cette pratique évolue, reflétant la tradition héritée du XVIIIe siècle avec son goût du pittoresque, puis l’arrivée du romantisme et l’influence du courant historiciste.

La peinture pompéienne

Sous l’impulsion des néo-grecs, Pompéi n’attire plus seulement les architectes mais aussi les peintres et les graveurs qui se prennent de passion pour les peintures pompéiennes. Si les architectes comme Félix Duban ou Charles Garnier s’étaient attachés à reproduire des parois complètes de décor pompéien, les peintres, eux, se plaisent à isoler des fresques historiques dont ils restituent l’état de conservation parfois déjà dégradé.

Comme Gustave Moreau et Jean-Jacques Henner, le graveur Claude-Ferdinand Gaillard restitue la délicatesse de ces scènes qu’il s’agisse de femmes à leur toilette ou d’Adonis blessé dans les bras de Vénus. Exposées en 1887 aux Beaux-Arts de Paris, ces aquarelles alors très appréciées du public parisien, notamment de jeunes artistes comme Pierre Gusman, étaient depuis lors tombées dans l’oubli.

C’est avec ce dernier que se clôt cette sélection d’œuvres : graveur, dessinateur mais aussi écrivain, Pierre Gusman s’est surtout rendu célèbre pour son ouvrage évoquant ses souvenirs de Pompéi (Pompéi, la ville et ses mœurs, 1899). Il y retrace la vie quotidienne dans la cité, évocations que l’on retrouve dans ses portraits aquarellés, qui, inspirés des fresques encore en place, fournissent une sorte de typologie des habitants de la ville. Présentés en 1897 à Paris, ces aquarelles s’offre à nouveau à la découverte du public.

Ces réalisations reflètent les évolutions de l’archéologie, et sont autant de regards sur les enjeux esthétiques de l’époque. Si c’est sur le sol italien que ces œuvres furent en grande partie exécutées, c’est à Paris qu’elles furent admirées, copiées et diffusées, créant un style pompéien prisé par tout le milieu artistique, dont le décor de la cour vitrée du Palais des études des Beaux-Arts de Paris est sans doute l’un des exemples les plus emblématiques.

En savoir plus:

Du mercredi 5 octobre 2016 au vendredi 13 janvier 2017 Beaux-Arts de Paris, Cabinet des dessins Jean Bonna.

 

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