Le mobilier du boudoir turc de l’impératrice Joséphine au coeur de Paris

DES MÉCÈNES POUR FONTAINEBLEAU

Du 7 au 29 septembre 2012, au moment des journées du patrimoine et de la Biennale des Antiquaires, une opération inédite de mécénat est lancée par le château de Fontainebleau pour la restauration d’un de ses joyaux, le mobilier du boudoir Turc.

 Remeublé par l’impératrice Joséphine, le boudoir Turc abrite un ensemble de meubles et de tissus somptueux qui nécessitent une restauration urgente afin de pouvoir être à nouveau montrés dans la pièce et d’ouvrir celleci au public. Pour trouver les mécènes de cette opération, le château de Fontainebleau expose exceptionnellement ce mobilier en plein coeur de Paris, en face de l’Elysée, et reconstitue la disposition et le décor original du boudoir afin que le public puisse le découvrir dans toute sa splendeur.

De toutes les résidences royales, le château de Fontainebleau est unique en France par sa très longue histoire – du XIIe au XIXe siècle, la cour
venait y chasser et s’y délasser – ce qui explique l’extraordinaire richesse de ses ensembles d’arts décoratifs : plus de 40 000 oeuvres dispersées dans plus de 1500 pièces. Le boudoir Turc fait partie de ces inestimables joyaux. Conçu en 1777 pour Marie- Antoinette qui souhaitait mettre au goût du jour les anciens appartements de Marie Leszczynska, épouse de Louis XV, il a été remeublé en 1806 par l’impératrice Joséphine.

De Marie Antoinette à Joséphine

 Marie-Antoinette fit appel aux plus grands artistes pour aménager ce lieu de retraite où elle échappait à l’étiquette. Richard Mique, son architecte attitré, également maître d’oeuvre du théâtre et du hameau du Petit Trianon, en dessina les plans pour en faire un écrin ouvrant sur le jardin de
Diane. Les frères Rousseau, grands décorateurs de l’époque, exécutèrent le décor de lambris sculptés et peints semés d’ornements en l’honneur du Levant.

 Le Garde-Meuble personnel de la reine dirigé par Pierre-Charles Bonnefoy Du Plan fournit un précieux mobilier, dont seuls les feux à sujet de dromadaire demeurent aujourd’hui conservés au musée du Louvre, les autres pièces ayant été vendues à la Révolution. A ces merveilles s’ajoutent quelques trésors : la cheminée du marbrier Bocciardi et du bronzier Pierre Gouthière qui présente une frise de bronze associant, sur fond de rinceaux, croissants, étoiles, turbans et épis de maïs dits « blé de Turquie », ainsi que les mécanismes des glaces mouvantes conçues par le génial Mercklein qui aidaient à tamiser la lumière grâce à un système de poulies. Emblématique du goût pour l’Orient, la pièce est en cours de restauration grâce au mécénat de l’INSEAD.

L’impératrice Joséphine transfigura le précieux boudoir de Marie-Antoinette avec un nouveau mobilier et un nouveau décor caractérisés par la
profusion et le raffinement des textiles en l’honneur de l’Orient. Le lit en acajou signé Jacob-Desmalter est un hommage au sommeil avec ses chiens en bronze doré qui veillent sur le repos de l’impératrice. Il appartient à un ensemble de meubles réalisé spécifiquement pour le boudoir en 1806 : une chaise longue avec ses coussins, deux bergères, un tabouret de pied, quatre chaises en gondole, un guéridon et un écran de
cheminée.

Une superposition d’étoffes évoque à son tour la magie languide de l’Orient : les mousselines encadrées de frises de palmettes brodées d’or, les rideaux de taffetas à motifs de croissants de lune et d’étoiles, l’exceptionnel velours de soie qui recouvre les sièges et qui s’inspire des étoffes les plus précieuses façonnées à Fès, le tapis de la manufacture de la Savonnerie semé d’hortensias.

Un témoignage unique au monde du goût « à la turc »

Ce boudoir est unique au monde car il est le dernier témoignage existant des turqueries royales qui fascinèrent tant le XVIIIe siècle français, les
boudoirs Turcs du comte d’Artois – frère de Louis XVI – et de la reine à Versailles ayant aujourd’hui disparu. Sous l’Empire, la vogue des boudoirs Turcs connaît une seconde faveur, comme en témoignent celui aménagé sous le Consulat dans l’hôtel parisien du général Moreau – dont le mobilier sera acquis par Napoléon Ier en 1804 et envoyé à Fontainebleau – et celui créé à l’hôtel de Beauharnais à Paris. Les relations diplomatiques nouées entre la France et l’Empire ottoman depuis Louis XV expliquent cette mode orientalisante dans les arts – décoration,
peinture, tapisserie, ballet, littérature… – dont le boudoir Turc du château de Fontainebleau est le meilleur exemple par l’évocation d’un Orient de
fantaisie.
L’originalité, la préciosité et la modernité de la turquerie de l’époque s’y expriment pleinement à l’aide d’une harmonie exceptionnelle entre le décor et le mobilier, la richesse extraordinaire des matériaux, le choix des motifs empruntés aux arts de l’Islam et les effets d’ombres créés par les glaces mouvantes et la transparence des tissus qui rappellent la magie de l’Orient.

Les enjeux de la restauration

 La restauration concernera les meubles et les textiles du boudoir Turc, faisant intervenir des artisans et des métiers d’art experts dans leur discipline. Seront ainsi restaurés le lit d’alcôve, la chaise longue, avec ses deux coussins et son rondin, les deux bergères, le tabouret de pied, les quatre chaises, le guéridon et l’écran de cheminée.

 Outre le mobilier, la restauration s’appliquera aux précieux textiles : les velours de soie à lamé or des sièges, les trois paires de rideaux et le jeté de lit en mousseline brodée, le bandeau intérieur de l’alcôve et son câblé de soie, les deux paires de rideaux en taffetas et galons, les quatre festons à motifs d’or vermiculés, la courtepointe et les deux traversins, ainsi que le tapis.

Les bois et les bronzes réclament un nettoyage et une reprise des vernis. Plus complexe est la restauration des textiles. Elimée, passée, décolorée, déchirée, fragmentaire ou tout simplement remplacée, chaque étoffe exige un travail d’orfèvre. Il convient de retisser fil à fil la couverture des sièges pour retrouver l’harmonie disparue de la soie blanche, des lames d’or et des galons à losange en soie corail.

 Il est essentiel de nettoyer chaque fil des broderies des mousselines pour atténuer l’oxydation de l’or fin. Il est indispensable de restaurer méticuleusement les passementeries anciennes, de confectionner les rideaux disparus et de consolider les usures des rideaux de taffetas qui, à partir de 1806, habillèrent le cabinet turc et subirent les dégradations du temps pendant plus d’un siècle.

Les donateurs déjà présents

Exigeant savoir-faire et qualité des matériaux, une telle opération de restauration est nécessaire pour rendre durablement au cabinet turc sa splendeur d’autrefois. De généreux donateurs participent déjà à l’opération « Des mécènes pour Fontainebleau », parmi lesquels la galerie Aveline – Jean-Marie Rossi qui met à disposition son espace, Moët-Hennessy, Art Culture Studio, la Banque Jean-Philippe Hottinguer & Cie, Guerlain, le joaillier Vhernier, la galerie Neuse, le décorateur Juan-Pablo Molyneux, les Editions Faton, le tapissier Decour, Art Transit International, l’assureur Eeckman, Monsieur et Madame Daniel Thullier, Monsieur et Madame Antoine Delon, Monsieur Xavier Guerrand-Hermès, Monsieur Hubert
Guerrand-Hermès… pour n’en citer que quelques-uns.

Cette restauration du mobilier permettra d’ouvrir au public le boudoir Turc fermé depuis plus d’un siècle. Ainsi ce trésor national conservé au château de Fontainebleau pourra-t-il enfin être admiré du plus grand nombre à partir de 2013.

En Savoir Plus:

Galerie d’Antiquaire Aveline

94, rue du Faubourg Saint-Honoré,
Place Beauvau
75008 Paris