Maquettes de la marine impériale

Collection du musée de la marine jusqu’au 14 septembre 2014 au Grand Trianon à Versailles, Galerie des cotelle

La mer est la grande oubliée de la légende napoléonienne. Pourtant, dès son arrivée au pouvoir, Bonaparte en fait l’une de ses préoccupations majeures, avec une ambition affirmée : édifier une marine aux dimensions de l’Europe capable de rivaliser avec l’hégémonie anglaise. Cette volonté se manifeste entre autres par la constitution de la « Collection Trianon », un ensemble de maquettes de navires commandé et rassemblé par Napoléon à partir de 1810 au Grand Trianon afin de témoigner de l’excellence de la construction navale française.

Le Friedland, vaisseau de 80 canons, 1807, vue de détails Atelier de modèles des Arsenaux d'Anvers et de Rochefort 1810-1818 (vers) © musée national de la Marine/P. Dantec 
Le Friedland, vaisseau de 80 canons, 1807, vue de détails
Atelier de modèles des Arsenaux d’Anvers et de Rochefort
1810-1818 (vers)
© musée national de la Marine/P. Dantec

Pour la première fois depuis 1828, cette collection de seize modèles, chefs-d’oeuvre des charpentiers des arsenaux, quitte les salles du musée de la Marine pour retrouver, dans son intégralité, le lieu pour lequel elle avait initialement été commandée: la galerie des Cotelle du Grand Trianon. Chaque élément de cet ensemble mettra en évidence le talent des ingénieurs constructeurs, notamment Jacques-Noël Sané.

Combat entre la corvette française la Bayonnaise et la frégate anglaise Ambuscade (17 décembre 1798) Jean-François Hue. 1801 © RMN-GP (Château de Versailles) / Gérard Blot
Combat entre la corvette française
la Bayonnaise et la frégate anglaise
Ambuscade (17 décembre 1798)
Jean-François Hue. 1801
© RMN-GP (Château de Versailles)
/ Gérard Blot

Plans, archives, portraits de marins, scènes de combats navals mais aussi objets de marine (porte-voix, sabres, fusils…), permettront aux visiteurs d’imaginer la mise en œuvre de chaque navire et mettront à l’honneur l’histoire de la marine impériale.



En 1810, alors qu’il procédait au remeublement du Grand Trianon en vue de s’y installer avec la nouvelle impératrice Marie-Louise, Napoléon décida de faire placer dans la galerie des Cotelle une collection de modèles réduits de navires de guerre de tous types, que l’on appelle aujourd’hui la « Collection Trianon ».

La Foudroyante, prame d'artillerie, Atelier des modèles de Paris 1813-1818 © musée
La Foudroyante, prame d’artillerie,
Atelier des modèles de Paris
1813-1818
© musée

Jacques-Noël Sané (1740-1831), inspecteur général du Génie maritime, l’un des principaux artisans de la rénovation de la Marine sous Louis XVI grâce à la standardisation des plans de trois types de vaisseaux (110, 80 et 74 canons), fut chargé de constituer la collection en lien avec Duroc, Grand Maréchal du palais, et Alexandre Desmazis, administrateur du Garde Meuble impérial. Sané était l’un des meilleurs ingénieurs-constructeurs de sa génération, une figure de la construction navale française et de la marine à voile pendant près d’un demi-siècle, le « Vauban de la marine ».

Dès octobre 1810, l’année même où fut décidée la constitution de la collection, il eut droit aux honneurs de l’Empereur qui le nomma Baron d’Empire. Probablement qu’avec cet ensemble, Napoléon a souhaité à la fois rendre hommage au concepteur et témoigner de l’excellence de la construction navale française de l’époque.

Che?bec de 24 canons, 1750 Atelier des mode?les de l’arsenal de Toulon Vers 1750. © muse?e national de la Marine/P. Dantec
Che?bec de 24 canons, 1750 Atelier des mode?les de l’arsenal de Toulon Vers 1750.
© muse?e national de la Marine/P. Dantec

Treize modèles étaient prévus : « Un vaisseau à trois ponts, un de 80, un de 74, un de 50, une frégate, une corvette, une chaloupe canonnière, un cutter [cotre], une tartane, un lougre, un bateau canonnier, une caïque, une péniche ».

Dans cet ensemble figuraient les petites embarcations destinées à envahir l’Angleterre. Est-ce la raison pour laquelle l’Empereur souhaita rassembler la collection de modèles dans un palais de campagne relativement isolé où il pouvait étudier à loisir les capacités de ses navires et relancer son projet d’invasion ? Rien ne permet de l’affirmer, mais cela est fort possible.

© RMN-Grand Palais (Cha?teau de Versailles) / Ge?rard Blot. Jean-Franc?ois Hue (1751-1823), Combat de la fre?gate franc?aise La Bayonnaise et de la fre?gate anglaise L’Embuscade, 14 de?cembre 1798, 1801, huile sur toile, 163 x 261,4 cm.
© RMN-Grand Palais (Cha?teau de Versailles) / Ge?rard Blot.
Jean-Franc?ois Hue (1751-1823), Combat de la fre?gate franc?aise La Bayonnaise et de la fre?gate anglaise L’Embuscade, 14 de?cembre 1798, 1801, huile sur toile, 163 x 261,4 cm.

Pour remettre en état, concevoir les modèles, Sané créa un atelier à Paris dans lequel il fit venir trois ouvriers des arsenaux. Les arsenaux d’Anvers et de Rochefort furent également mis à contribution. Alors qu’on aurait pu croire cette collection simple à constituer, le projet se poursuivit après l’Empire, sous la Restauration. Certaines maquettes, comme le Friedland, un vaisseau de 80, ou la prame d’artillerie la Foudroyante, n’arriveront même jamais à Trianon.

En revanche, les modèles de plusieurs navires, provenant des arsenaux ou du Ministère de la Marine et dont la construction était antérieure au lancement de la collection « Trianon », furent vite apportés au Trianon.

L’Oce?an, vaisseau de 118 canons dans son e?tat de 1807, Ateliers des mode?les de Brest et de Paris Vers 1794-1810. © muse?e national de la Marine/P. Dantec
L’Oce?an, vaisseau de 118 canons dans son e?tat de 1807, Ateliers des mode?les de Brest et de Paris Vers 1794-1810.
© muse?e national de la Marine/P. Dantec

Ce fut le cas pour le modèle de l’Océan, par exemple, un vaisseau à trois ponts mis en service en 1790 sous le nom d’États-de-Bourgogne, et considéré comme le « chef-d’œuvre de Sané ». Des modèles prestigieux de l’Ancien Régime comme l’Artésien, vaisseau de 64 canons typique de la guerre d’Indépendance américaine, ou le chébec des années 1750 furent également placés dans la Galerie.

Au final, ce fut un état complet de la marine impériale qui fut planifié : outre les navires déjà mentionnés, on y trouvait aussi bien le vaisseau de 74 (le Triomphant), une frégate (la Flore), une corvette (la Bayadère), une flûte (la Normande), un brick (l’Espérance) et de petits bâtiments comme une gabare-écurie, ou une chaloupe canonnière.

La Flore, fre?gate de 18, 1806 Ateliers des mode?les de Paris et de Rochefort 1812-1816. © muse?e national de la Marine/P. Dantec
La Flore, fre?gate de 18, 1806 Ateliers des mode?les de Paris et de Rochefort 1812-1816.
© muse?e national de la Marine/P. Dantec

En 1818, il fut demandé la création d’un musée spécifiquement attaché à la Marine au sein du Louvre. Dix ans plus tard, en 1828, la collection quitta le petit palais de Trianon pour gagner ce nouveau musée de la Marine, un temps appelé « musée Dauphin » (1828-1830) et installé au Palais de Chaillot depuis 1943. Rassemblé à Trianon pour la première fois depuis cette date, cet ensemble exceptionnel montre les différents types de navires de guerre de l’époque, ceux de la guerre d’escadre et du combat d’abordage jusqu’aux navires de charge, plus modestes.

L’exposition sera accompagnée de tableaux représentant des scènes de combats navals, peints par Crépin, Hue,
Morel-Fatio ou Mayer ainsi que de portraits d’amiraux comme Latouche-Tréville, Magon de Médine ou Blanquet du Chayla, et de quelques armes évocatrices de l’abordage.

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