L’heure du souper ou l’art du bien manger aux 17e et 18e siècles

L’ exposition qui se tient au Musée des Art décoratifs et du Design de Bordeaux  jusqu’au 18 mai 2015  a pour objectifs de faire l’histoire du souper et d’évoquer l’évolution des arts de la table, du ‘service à la française’, des ‘grands soupers’ et des ‘petits soupers’, des grands cuisiniers, des théories culinaires …

L’évolution de l’attrait pour la cuisine, tant sur les produits et saveurs que sur leur mise en forme, donne naissance à de nouveaux objets et de nouvelles représentations autour de la table. A partir de la seconde moitié du 17e siècle, et tout au long du 18e, s’impose une « nouvelle cuisine [où] tout est historié », c’est-à-dire mis en scène, comme le fait alors remarquer le maréchal de Richelieu à la marquise de Créquy.

L'heure du souper ou l'art du bien manger aux 17e et 18e siècles

A cette époque, la cuisine devient plus raffinée et l’on rompt avec l’habitude du Moyen Age de masquer le goût de viandes faisandées ou de grossières bouillies avec abondance d’épices. Désormais, on assaisonne à sa convenance et c’est l’essor de la salière et du poivrier, ciselés et travaillés, ou encore de la saucière, nouvel ustensile en vogue. Mêlant art, sociologie et histoire, cette tradition et ce qu’elle reflète d’une certaine société de l’époque est retracée avec plus de deux cents objets sortis des réserves du Musée des Arts décoratifs et du design. Des fourneaux à broche aux grandes tables dressées avec raffinement, chaque étape et ses codes sont analysés et mis en scène.

Cette cuisine se caractérise effectivement par l’élaboration de plats très sophistiqués dont l’intérêt réside tout autant dans la riche  alliance des saveurs, qui se multiplient au gré de la découverte de nouveaux produits, que dans la manière de les présenter, de les servir et de les déguster.

Saupoudreuses à sucre en Faïence du XVIIIème siècle
Saupoudreuses à sucre en Faïence du XVIIIème siècle

Cet attachement porté à l’esthétique des mets proposés et à la théâtralisation du repas explique la multiplication, au 18e siècle, des objets liés aux arts de la table, qu’ils soient en faïence, en porcelaine ou en argent, trois matières nobles et raffinées qui font rapidement oublier la vaisselle en étain encore en usage au 17e siècle.

A ces nouveaux produits et nouveaux objets correspondent également de nouvelles manières de tables savamment orchestrées par les règles du « service à la Française » et dont les arts décoratifs sont le témoin privilégié.

« Un gourmand », Gravure à l’aquitaine de Philibert-Louis Debucourt, 1803. (© Musée des Arts décoratifs et du Design, Bordeaux)

– «Service à la française»

Cette évolution du goût s’accompagne de celle du rituel du souper pris désormais dans la salle à manger. Cette nouvelle pièce où l’on reçoit les convives de marque fait du souper une véritable cérémonie agrémentée de moult rituels pour impressionner la tablée. «Le souper devient un repas d’apparat, un spectacle, un moment-clé. On s’habille, on sort les belles vaisselles. Mais surtout, le XVIIe et le XVIIIe marquent l’âge d’or du « service à la française».

Chorégraphie des plats, symétrie méticuleuse de l’ordonnancement de la table, essor des couleurs, finesse des matériaux avec l’étain supplanté par la faïence, le «service à la française» reflète la prospérité de l’aristocratie française. Il nécessite un, voire deux domestiques par convive pour les grandes occasions, un luxe fort coûteux. Tout est étudié des mois à l’avance pour une grande cérémonie où une multitude de plats est servie au pas de charge.

 

On ne compte pas moins de deux à huit services lors d’un souper, d’environ un quart d’heure chacun, «car à l’époque on n’avait pas encore la culture de rester des heures à table. Ainsi pour le baptême du Dauphin, 360 plats ont été servis en à peine 01h30.

L'heure du souper ou l'art du bien manger aux 17e et 18e siècles

Pour le « service à la française », la table est dressée et servie avant l’arrivée des convives. Les serveurs ou « officiers de bouche » desservent les plats consommés au fur et à mesure, puis en rapportent d’autres dans l’espace ainsi libéré afin que la table soit toujours servie. Ce type de service magnifie la quantité des plats, abondance et munificence qui frappent l’imagination.

Le déclin de l’aristocratie à la fin du XVIIIe marque également la fin du «service à la française», remplacé par le «service à la russe», importé en réalité d’Outre-Manche. Bien moins cérémonial, il se généralise au XIXe et ne nécessite que trois ou quatre domestiques pour toute la tablée, ce qui convient à l’essor de la nouvelle bourgeoisie. Dans le « service à la russe », tandis que les mets sont servis à gauche et desservis à droite, les boissons (vin, eau, champagne), elles, sont servies à droite, et dans une série de verres différenciés.

– «Service à la russe»

Avec l’introduction du « service à la russe », la table peut enfin accueillir des assiettes individuelles (avant, les quelques convives qui en avaient étaient souvent obligé de les tenir ou de les mettre sur les genoux). D’élégantes faïence et porcelaines fines remplacent progressivement l’étain et on assiste bientôt à une prodigieuse spécialisation de la vaisselle comme de la verrerie.

En savoir plus

Musée des Arts Décoratifs et du Design de Bordeaux
39 Rue Bouffard, 33000 Bordeaux

http://www.bordeaux.fr/

 

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