Le goût de la parure. Portraits du château de Versailles ​

Du règne de Louis XIV au Second Empire, vingt-huit tableaux, huit gravures et une gouache permettent d’évoquer la typologie des parures : colliers, bagues, pendants d’oreilles, mais aussi boucles de souliers ou de ceintures, médaillons ornés de brillants et de pierres, ou encore pierres cousues sur des costumes. Leurs différentes fonctions – cadeaux diplomatiques entre la France et les cours européennes ou leurs ambassadeurs, présents pour les étrennes des membres de la famille royale ou encore cadeaux de mariage – sont ainsi mises en évidence.

Marie-Thérèse en costume à la polonaise, Joseph Werner
1663-1664
Gouache sur vélin
© Château de Versailles (dist. RMN-Grand Palais) / Christophe Fouin

L’exposition est également l’occasion de plonger dans l’histoire des joyaux de la Couronne. Les portraits des rois et reines sont, en effet, une précieuse source iconographique concernant ce trésor, enrichi par chaque souverain français, et qui a partiellement traversé les péripéties de l’Histoire. Si de nombreuses parures et pierres le composant ont disparu, les œuvres du château de Versailles les font aujourd’hui revivre dans le cadre prestigieux du logis royal au château d’Angers.

Enfin, admirer la parure dans le portrait revient à s’interroger sur l’image que le modèle a voulu donner de lui-même, alors qu’il se présente dans ses plus beaux atours. À cette analyse s’ajoute une dimension artistique : la parure est l’occasion pour le peintre de montrer son talent et sa virtuosité pour rendre l’éclat des pierreries, perles et diamants. La scénographie de l’exposition s’articule de façon chronologique en plusieurs sections réparties successivement dans les différents espaces du logis royal du château d’Angers : le XVIIe siècle, le XVIIIe siècle et le XIXe siècle, permettant de mieux saisir l’évolution des usages et des formes des bijoux soumis, comme le costume, à la mode et au goût du temps.. Un film présente un diaporama d’autres œuvres versaillaises.

Françoise d’Aubigné, marquise de Maintenon, Antoine Trouvain
Eau forte
© Château de Versailles (dist. RMN-Grand Palais) / Christophe Fouin

Parcours de visite

Première section : Le Grand Siècle

Consacrée au XVIIe siècle et plus particulièrement au règne de Louis XIV, la première section comprend onze peintures, quatre gravures et une gouache.

Dès son plus jeune âge, le goût du roi est attisé par le cardinal Mazarin qui fait miroiter les pierres devant ses yeux pour en apprécier l’éclat. Il est également entretenu par sa mère, Anne d’Autriche, passionnée de diamants et de perles. Le jeune souverain développe à son tour cette même passion qui le conduit à enrichir considérablement la collection des bijoux de la Couronne, ainsi que la sienne propre.

Louis XIV, roi de France (1638-1715)
Anonyme France
XVIIème siècle
huile sur toile
© Château de Versailles (dist. RMN-Grand Palais) / Christophe Fouin

Pendant la période fastueuse du règne, il ne se passe pas une année sans qu’un nouveau diamant et autre pierre précieuse ne viennent enrichir le Trésor royal, comme le diamant de Guise de 1665 ou le grand saphir ayant appartenu à la collection Ruspoli. Apport majeur à cette collection déjà importante, Mazarin lègue au roi en 1661 dix-huit diamants qui portent son nom, dont le « Grand Sancy », le plus grand diamant blanc connu en Europe. Chaque acquisition fait l’objet d’une nouvelle négociation qui est souvent le fruit d’une rivalité entre monarques pour obtenir l’objet convoité. Teintés de merveilleux, les récits de voyages lointains aux Indes contribuent à la fascination pour les pierres précieuses. À partir de 1685 cependant, les acquisitions se font beaucoup plus rares en raison des difficultés financières de l’État.

Louise-Marie-Adélaïde de Bourbon-Penthièvre Elisabeth-Louise Vigée-Lebrun
© Château de Versailles (dist. RMN-Grand Palais) / Christophe Fouin

L’enrichissement des collections royales s’accompagne également de nouvelles pratiques de mise en valeurs des gemmes. Les modes des tailles se diversifient : la taille en pointe, en table, de cœur, en pendeloque, en ovale, en losange, en rose à plusieurs facettes, et surtout la taille en brillant à partir de 1660. La monture s’efface pour devenir la plus discrète possible et pour souligner l’éclat et la qualité des pierres.

Louis XV, roi de France
Augustin-Oudart Justinat
1717,
huile sur toile
© Château de Versailles (dist. RMN-Grand Palais) / Christophe Fouin

Les bijoux et les pierres contribuent à la richesse et à l’harmonie de la tenue vestimentaire. Les diamants portés en parure ornent l’habit, les boucles de chaussure, le chapeau, et la poignée d’épée. Ils vont de pair avec la position occupée à la Cour : les apparences vestimentaires construisent le rang social, affirment le niveau de fortune et révèlent le pouvoir. Arborer ses richesses, c’est aussi participer au spectacle donné à Versailles et à la mise en scène de la pompe royale : l’or, l’argent et les gemmes correspondent au goût du Roi-Soleil.

Marie-Louise, impératrice des Français et le roi de Rome,
Joseph Franque
huile sur toile
© Château de Versailles (dist. RMN-Grand Palais) / Christophe Fouin

Les bijoux, les diamants et les boîtes à portraits sont également utilisées comme cadeaux. On les gagne lors des jeux et des loteries organisés en cercles choisis à Versailles ou à Marly. Les souverains offrent souvent en guise de cadeaux diplomatiques des boîtes enrichies de portraits et de diamants, symboles de la magnificence royale.

Eugénie de Montijo de Guzman, impératrice des Français (1826-1920), Edouard Dubufe
1854
Huile sur toile
© Château de Versailles (dist. RMN-Grand Palais) / Christophe Fouin

Deuxième section : Le Siècle des Lumières

La section consacrée au XVIIIe siècle comprend huit peintures et quatre œuvres d’arts graphiques qui représentent de manière significative l’évolution du goût au siècle des Lumières. Jouissant d’une réputation bien établie dès le XVIIe siècle, les joailliers parisiens gagnent sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI un renom sans pareil. Leur art atteint alors des sommets de perfection technique et d’élégance. La Cour, les gens de qualité, mais aussi la classe montante des financiers constituent une clientèle fortunée à même de soutenir ce savoir-faire exceptionnel qui fait de la joaillerie française un modèle pour toute l’Europe.

Vue de l’exposition

Sous Louis XV, les figures royales se font régulièrement représenter portant les joyaux de la Couronne. Montées, démontées puis remontées, les gemmes ajoutent leur éclat à tous les grands moments du règne, le « Régent » tenant une place particulière dans cet ensemble. Ce diamant de 140 carats ne présentant aucun défaut avait été découvert en 1698 dans la province indienne de Golconde. En 1714, Louis XIV, régnant sur une France appauvrie, avait dû renoncer à l’acheter. Mais dès la deuxième année du règne de Louis XV, Philippe d’Orléans la propose au conseil de Régence. Cette acquisition accroît considérablement la valeur du Trésor royal.

Sous Louis XVI et à la fin du XVIIIe siècle, la reine Marie-Antoinette et les princesses cèdent à la mode à l’antique. Le costume devient alors plus simple et les parures bien plus discrètes. La sensibilité néoclassique de la fin du siècle tend en effet au dépouillement et à la recherche d’un certain naturel. Rocaille sous Louis XV, le dessin des objets orfévrés s’épure. Les pièces de grand corps, pesantes et cruelles au corps féminin, se font plus rares ; on porte la robe de gaulle, robe-chemise de mousseline blanche et la parure se réduit parfois à une simple boucle de ceinture, tandis que les anneaux à la mode créole concurrencent les riches pendants d’oreilles d’autrefois.

Cette section démontre aussi une certaine internationalisation dans la création et le goût : elle souligne les points communs, d’une Cour à l’autre, en particulier celles de France, d’Autriche et d’Espagne.

Au moment de la Révolution, la plupart des parures emblématiques de l’Ancien Régime disparaissent. Mais si de célèbres pierres ressurgissent parfois sur le marché, nombre de joyaux de la Couronne ne sont plus connus que par les inventaires, ou encore des tableaux qui en gardent la mémoire.

Troisième section : Le siècle des monarchies

Cette partie consacrée au XIXe siècle comprend neuf peintures. Le goût de la parure renaît après la Révolution, mais celle-ci ayant dispersé le Trésor royal (après la vente d’une partie des Diamants de la Couronne et le pillage du Garde-Meuble en 1792), il faut reconstituer ce trésor, ainsi que les cassettes des princesses.

Napoléon ayant choisi de se faire sacrer d’une manière tout autant politique que symbolique, il lui faut retrouver les emblèmes du sacre, notamment les Honneurs de Charlemagne, qui avaient été partiellement détruits ou démontés. L’orfèvre et tabletier Martin-Guillaume Biennais se voit ainsi confier la restauration des objets existants et la réalisation des manquants : couronnes impériales, sceptre et main de justice, globe impérial, collier de la Légion d’honneur, anneaux, etc. Par ailleurs, l’Empereur commande au joaillier Marie-Etienne Nitot des parures pour l’impératrice Joséphine, ainsi que quelques éléments de parure en diamants pour lui-même. Lors de son divorce, en 1809, l’Empereur fait remonter les parures d’État pour sa nouvelle épouse, Marie-Louise. Nitot fils a, par la suite, le monopole des nombreuses nouvelles commandes du couple impérial, avec une série d’extraordinaires parures de diamants, perles et pierres de couleurs. Une grande continuité relie la fin de l’Ancien Régime et le Premier Empire dans le goût prononcé pour les bijoux d’inspiration antique, et une relative simplicité. Toutes les tendances et toutes les techniques nées de la fin de l’Ancien Régime sont ainsi encore très appréciées : perles, camées, peintures et miniatures sous verre ou de micro-mosaïques.

La restauration des Bourbons, avec le règne de Louis XVIII, poursuit l’enrichissement des joyaux de la Couronne, essentiellement autour des deux femmes de la famille royale, la duchesse d’Angoulême et la duchesse de Berry. Le joaillier Paul-Nicolas Ménière démonte l’ensemble des parures pour en faire disparaître les symboles impériaux et les mettre au goût du jour. Les acquisitions de la Restauration révèlent encore un goût prononcé pour les riches garnitures de diamants, mais aussi un intérêt marqué pour les pierres de couleurs, turquoises, opales, améthystes, peu présentes dans la joaillerie de l’Ancien Régime. La période connaît le développement extraordinaire d’un goût pour le passé. C’est l’âge d’or du bijou romantique qui puise son inspiration dans les formes et les décors anciens, voit le développement de procédés comme l’or repoussé, les filigranes, les émaux, ou les figures en ronde bosse.

L’accession de Louis-Philippe au trône porte un coup d’arrêt à l’enrichissement du Trésor de la Couronne, jusqu’à la fin de son règne. En effet, ni lui, ni son épouse ne portent les joyaux de la Couronne. La maison d’Orléans possède cependant une cassette personnelle riche de très belles parures qui suffisent au couple royal. D’une façon générale, la monarchie de Juillet voit la joaillerie s’écarter des procédés artisanaux pour adopter des techniques nouvelles nées de la révolution industrielle. Ces nouveaux développements techniques ouvrent le marché de la joaillerie à une clientèle plus diverse, bourgeoise, voire moins fortunée. À l’arrivée de Napoléon III, les joyaux de la Couronne sont une nouvelle fois modernisés, remontés pour la nouvelle impératrice et largement complétés de nouveaux achats de pierres et de parures. Le retour à une vie de Cour fastueuse va de pair avec un goût toujours vif pour les diamants, mais outre des parures assez classiques et intemporelles, entrent également dans le Trésor de la Couronne des pièces d’esprit oriental, un diadème de style grec et beaucoup de pièces d’inspiration naturaliste, bouquets, guirlandes, girandoles de fleurs en diamants comme un retour à une inspiration d’Ancien Régime. La chute du Second Empire marque la fin d’un âge d’or de la joaillerie française. La IIIe République porte un coup fatal au Trésor de l’État en organisant symboliquement la vente des joyaux de la Couronne.

En savoir plus:

jusqu’au 15 janvier 2017

Logis royal du château d’Angers

http://www.chateau-angers.fr/

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