Gaston d’Orléans, prince rebelle et mécène

Gaston d’Orléans, fils d’Henri IV, frère du roi Louis XIII, et oncle de Louis XIV, demeure un prince méconnu et controversé de l’Histoire de France. Cette exposition a pour but de réhabiliter ce personnage cultivé, collectionneur et protecteur des arts de son temps, qui a laissé sa marque sur le château royal de Blois où il résida longtemps et finit ses jours, en y faisant bâtir l’aile qui porte son nom.

Gaston d’Orléans : un prince méconnu à Blois

Fils d’Henri IV et de Marie de Médicis, frère cadet de Louis XIII, père de la Grande Mademoiselle, Gaston d’Orléans est intimement lié à Blois. Ayant reçu en apanage de son frère Louis XIII le duché d’Orléans et le comté de Blois, à l’occasion de son mariage avec Mademoiselle de Montpensier en 1626, Gaston d’Orléans confie très vite un grand projet de reconstruction à l’architecte François Mansart. Il y aménagera ses appartements en 1652, après l’échec de la Fronde. Outre le château, la ville de Blois lui doit plusieurs réalisations : l’Hôpital général du faubourg de Vienne, qu’il fonda en 1657 pour les pauvres, et, au pied du château, la chapelle des Jésuites (qui est aujourd’hui l’église Saint-Vincent). Gaston d’Orléans meurt à Blois le 2 février 1660, laissant son château inachevé.

Gaston d’Orléans, France, vers 1630, huile sur toile, Blois, Château royal

Une exposition pour réhabiliter un prince libre, moderne et indépendant
Longtemps présenté comme un conspirateur, ourdissant des complots contre la couronne depuis ses résidences d’exils, manipulé par ses proches, Gaston d’Orléans est injustement resté dans l’ombre de l’histoire. Enfant préféré de sa mère, il reste ce frère cadet jalousé, prétendant au trône jusqu’à la naissance de Louis XIV en 1638. Prince tout entier dressé contre la centralisation du royaume, il s’oppose aux deux cardinaux-ministres Richelieu et Mazarin. Il ira même jusqu’à se marier par amour avec Marguerite de Lorraine, allant contre la volonté de Richelieu et de son frère Louis XIII !

Gaston de France, duc d’Orléans (1608-1660)
© RMN-Grand Palais

 

Gaston d’Orléans : Prince rebelle, mécène, collectionneur
Articulée autour de ces trois grandes facettes de Gaston d’Orléans, l’exposition réunira pour la première fois, une partie de sa célèbre collection de médailles et d’antiques, de coquilles, de cartes géographiques, de livres et de reliures mais aussi l’exceptionnel ensemble de peintures sur vélin, réalisés par Nicolas Robert, qui reproduisent avec minutie et somptuosité les plantes et les oiseaux du jardin botanique qu’il créa à Blois. Du prince rebelle en désaccord avec son frère sur la gestion politique du royaume au collectionneur dont les objets formaient l’un des plus riches cabinets de l’Europe en passant par le mécène qui révèle sa passion pour l’art, la culture, l’architecture et la botanique : cette rétrospective met l’accent sur un prince érudit et profondément humaniste.

Gaston d’Orléans enfant, Frans Pourbus, vers 1613-1614, huile sur toile, Blois, Château royal

SALLE 1 – LE PRINCE REBELLE

Louis XIII ne parvenant pas à avoir d’enfant, Gaston occupe longtemps une place de premier plan sur l’échiquier politique français : il est l’héritier du trône. Enfant préféré de sa mère, il reste ce frère cadet jalousé, pré- tendant au pouvoir, jusqu’à la naissance du dauphin en 1638 (futur Louis XIV) qui met fin à son ambition.
Promis, contre son gré, à Mlle de Bourbon – Montpensier en échange d’une dot considérable, il devient à la fois veuf et père 9 mois après.

Prince libre, chef de guerre, frondeur et opposant inflexible au cardinal-ministre Richelieu, victime de ses idées et de ses choix – un mariage d’amour avec Marguerite de Lorraine contre la volonté de son frère et de Richelieu : portrait d’un prince rebelle sur fond de pressions, menaces et autres manipulations.

Cavalier en armure dit Portrait de Gaston d’Orléans

Monsieur, frère unique du roi

Fils d’Henri IV et de Marie de Médicis, frère cadet de Louis XIII, père de la Grande Mademoiselle, Gaston d’Orléans est intimement lié à Blois. Présentation du personnage, de son éducation et de son entourage : la première partie de la salle met en exergue de nombreux portraits appartenant aux collections du château de Blois. Parmi eux, un portrait en pied de Marie de Médicis en 1603 avec le dauphin Louis en habit d’apparat âgé de 27 mois ou encore un portrait de Gaston âgé de quatre ans, signé par Frans II Pourbus, portraitiste flamand réputé.

Promis à l’une des plus grosses fortunes de France, il épouse Mlle de Bourbon – Montpensier le 6 août 1626 à Nantes. À peine un an plus tard, elle donne naissance à leur fille, Anne-Marie Louise d’Orléans, restée célèbre dans l’Histoire sous le pseudo de la « Grande Mademoiselle ». Deux ans après la mort de sa femme, il tombe amoureux de la jeune Marguerite de Lorraine, sœur de son ami le duc Charles IV, qu’il épouse secrètement le 3 janvier 1632. Ainsi commence « l’affaire du mariage lorrain » qui durera dix ans. Arrangé ou d’amour, le thème des mariages est illustré par des gravures et de nombreux portraits dessinés ou gravés.

Gaston d’Orléans, un grand collectionneur de vélins.

Le chef de guerre

Prince libre, Gaston participe néanmoins aux campagnes militaires de Richelieu et Louis XIII. Il s’y montre en véritable chef de guerre, et participe aux victoires de l’armée française. Ses succès attisent les jalousies, il est peu à peu écarté des commandements militaires et se réfugie à Blois.

Louis XIII le nomme néanmoins Lieutenant-général du royaume et chef des armées, rôle qu’il prendra à cœur durant la minorité de Louis XIV, renouant avec les succès militaires en Flandres. Ouvrage d’apprentissage de l’art militaire, manuscrits qui illustrent son goût pour la culture chevaleresque, portraits équestres, armes et armures ainsi qu’un important volume de cartes géographiques révèlent son implication et son rôle dans
l’armée, sa volonté royale de maîtriser l’espace et son désir de souveraineté.

La face du bastiment de blois faicte sur la court / La face du
bastiment de blois a faire, François Mansart, 1635, plume,
encre brune et pierre noire, Paris, BnF

L’impatience du pouvoir (la Fronde et la question des complots)

Un violent conflit sur la gestion politique du royaume oppose Gaston à son frère et au cardinal de Richelieu : à la centralisation absolutiste que conforte le cardinal, Gaston préfère une monarchie s’appuyant sur les assemblées des États provinciaux. Manipulé par ses proches, cette opposition le présentera comme un conspirateur, ourdissant des complots contre la couronne depuis ses résidences d’exils, comme l’épisode de la conjuration de Cinq-Mars et de Thou (1642). Pour évoquer les thèmes majeurs de sa vie politique, une galerie de portraits met en scène les acteurs principaux : Richelieu et Mazarin (prêtés par le château de Versailles), Louis XIII (portrait prêté par le musée Carnavalet) et sa fille, la Grande Mademoiselle (prêt
du Musée d’Orléans) qui, pendant la Fronde, prendra la tête de troupes et jouera les héroïnes cornéliennes.

Grandes Chroniques de France, Robinet Testard et le Maître de Marguerite
d’Angoulême, 1471, parchemin, Paris, Bnf

SALLE 2 : Le prince Mécène !

Prince des arts, protecteur des poètes et des artistes, la facette de « mécène » de Gaston d’Orléans révèle sa passion pour l’art, la culture, l’architecture
et la botanique. Dès 1634, il élabore pour Blois son « grand dessein ». Gaston d’Orléans voulait que le chantier aille vite, y compris pour les jardins et le parc dont André Le Nôtre devait assurer sinon le tracé, du moins les plantations. Un splendide jardin botanique fut aménagé dans la partie haute à partir de 1635-36 sous la direction du savant Abel Bruyner.
Gaston d’Orléans donne alors libre cours à sa passion pour la botanique : en 1655, plus de 2 000 espèces y sont cultivées et certaines font alors l’objet de reproductions sur les fameux vélins du miniaturiste Nicolas Robert.
En parallèle, Gaston entretient dans ses résidences un climat d’émulation artistique et intellectuelle. Son intérêt pour la danse, la musique et la littérature le porte à soutenir les meilleurs artistes de l’époque tels que le compositeur Etienne Moulinié ou le poète Vincent Voiture.

aquarelle sur vélin

Le château de Blois ou le « grand dessein »

Dessins du projet de François Mansart, plâtres sculptés issus de la campagne de restauration, fragments de la grande cheminée du pavillon Sud et décor du grand escalier exposés ici, illustrent les ambitieux travaux commandés par Gaston d’Orléans. Le nouvel édifice quadrangulaire, avec une avant-cour entourée de terrasses et au bout de laquelle une avenue conduirait à la ville, vit un commencement de réalisation avec l’édification du corps principal au fond de la cour. Hélas, les entrepreneurs abandonnent brutalement le chantier en novembre 1638, inquiets des retards de paiement de celui qui n’est désormais plus l’héritier du royaume depuis la naissance du futur Louis XIV. Un fragment original du plafond à caissons du cabinet neuf de Gaston, témoigne de ses appartements de l’aile François 1er.

Rouge gorge bleu et Cordon bleu, Nicolas Robert, XVIIe siècle, aquarelle sur vélin.
Paris, Muséum national d’Histoire naturelle

Le jardin de plaisir, de savoir et de pouvoir

En 1663, Jean de La Fontaine le qualifia « le plus parfait qui fût au monde ». Terrasses avec parterres et bassins, ménagerie, volière : Mansart et Le Nôtre travaillent ici de concert. Les anciens jardins conçus par Pacello da Mercogliano, cèdent ainsi la place à de nouvelles créations, incluant 200 variétés de plantes exotiques, des roses et même des pommes de terre, des tomates et du tabac, plantes relativement rares à cette époque. Un véritable
jardin d’Eden comme le soulignent certaines pièces exposées : les catalogues des jardins, plans et dessins des jardins de Blois ou encore certains manuscrits de son cabinet (recueils de plantes, livre de simples). Point d’orgue de cette salle, les fameux vélins de Nicolas Robert, au service de la science !

Canivets aux armes de la famille royale.

Pour compléter le catalogue des plantes rares, rédigé par Abel Brunyer et Robert Morison, Gaston d’Orléans engage, vers 1630, le peintre,
graveur et enlumineur Nicolas Robert pour les représenter d’après le naturel. La précision du dessin, sa fidélité au modèle naturaliste, la minutie du détail, la somptuosité des couleurs, qui ont conservé, à près de quatre cents ans de distance, un éclat incomparable ! La délicatesse du rendu des matières, la perfection de la finition, un art consommé de la composition, tout concourt à faire de chaque fleur, plante rare et oiseau, de véritables tableaux enserrés dans un mince filet d’or. À la mort de Gaston d’Orléans en 1660, la collection compte déjà plusieurs grands portefeuilles in-folio. La série est léguée à son neveu Louis XIV et attire l’attention de Colbert qui convainc le roi de faire continuer la collection : aujourd’hui c’est environ 7 000 pièces réunies dans cent sept portefeuilles.

Prince mécène et vie de cour

Le jeune prince vit continuellement dans une ambiance très culturelle. Il s’entoure en particulier d’auteurs de ballets, de poésie et de théâtre (passion partagée avec sa fille, la Grande Mademoiselle) qui occupent parfois une place importante à sa cour. Étienne Moulinié, dont certaines compositions sont diffusées dans l’exposition, fut par ailleurs l’intendant de la Musique de Gaston, de 1627 à sa mort. Des ouvrages littéraires de Vincent Voiture, Théophile de Viau, Honoré d’Urfé et Tristan l’Hermite mais aussi des dessins de costumes du ballet « La douairière de Billebahaut » de Daniel RABEL illustrent sinon son intérêt pour les arts vivants, son large esprit d’ouverture.

SALLE 3 : Le COLLECTIONNEUR

Prince érudit, Gaston d’Orléans a toujours eu, dans son palais du Luxembourg comme dans son château de Blois, une grande activité intellectuelle. Outre une attirance pour les médailles, les objets d’art, les bronzes et les statues antiques, sa curiosité s’anime aussi autour des livres rares, des cartes géographiques et des atlas qu’il compile avec passion. Les mathématiques, la géométrie, l’astronomie, les sciences naturelles et physiques figurent également parmi ses principaux centres d’intérêt.

Si la disparition de la plupart des inventaires rend toute étude particulièrement compliquée, laissant des pans entiers de ses collections dans l’ombre, l’exposition est une opportunité pour faire le point sur cet ensemble méconnu, qui est légué à son neveu Louis XIV en novembre 1661, et intégré
dans les collections royales.

Présentées dans des vitrines évoquant la galerie du jardin édifiée par Henri IV au château de Blois, de nombreuses pièces originales illustrent le goût de Gaston d’Orléans pour les sciences telles qu’une lettre à l’astronome Jean Hevelius, un ouvrage de Galilée ou encore un ouvrage de l’astronome et mathématicien Ismaël Boulliau. De nombreux livres, reliures et manuscrits témoignent de son intérêt pour les lettres. Des montres de Blois, autrefois
ville horlogère de premier plan, rappellent que durant ses séjours dans la ville royale, il en offrait à sa fille, la Grande Mademoiselle. De l’orfèvrerie de Gaston, il ne reste aujourd’hui presque rien, si ce n’est cette horloge de table du XVIe siècle, dotée d’un étui en cuir muni de deux serrures en cuivre doré, au chiffre de Gaston.

Le cabinet de curiosité

Ancêtres des musées et des muséums, les cabinets de curiosité ont joué un rôle fondamental dans l’essor de la science moderne. Pour ranger les petits objets de ces collections extravagantes, un meuble raffiné muni de nombreux petits tiroirs est inventé. L’exposition propose la restitution de celui de Gaston d’Orléans. Issu des collections du Muséum de Blois, le contenu « naturalia » s’inspire d’un inventaire réalisé (mais non terminé) par Bénigne Bruno, ancien « garde du cabinet des raretés » : des éponges, des minéraux dont un gypse en fer de lance, un corail, des cornes de gazelles, une molaire d’éléphant, des boîtes d’insectes, une carapace de tortue ou encore des animaux naturalisés : oiseaux, tatou, crocodile. Issu des collections du château de Blois, un meuble d’apparat dit « cabinet d’ébène » évoquant le cabinet de curiosité est par ailleurs présenté faisant référence à la collection de coquillages de Gaston d’Orléans.

En savoir plus:

Jusqu’ au 15/10/2017, au château de Blois.

http://www.chateaudeblois.fr

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