La France vue du Grand Siècle Dessins d’Israël Silvestre (1621-1691)

L’exposition présente à travers 81 oeuvres (principalement des dessins) l’originalité de l’art d’Israël Silvestre, l’un des principaux graveurs français du XVIIe siècle, qui allie avec virtuosité la vivacité du trait et la poésie du lavis d’aquarelle.
Si les gravures de Silvestre ont été largement diffusées, ses dessins demeurent méconnus. L’exposition s’attache à mettre en valeur le fonds exceptionnel conservé au Louvre, dont de nombreuses feuilles sont présentées au public pour la première fois. La plupart proviennent d’un album constitué au XVIIIe siècle et ont été restaurées pour l’occasion.

Gérard Edelinck, Portrait d’Israël Silvestre, après 1670 ?,
Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, Inv 14511 LR
© Musée du Louvre / Laurent Chastel

L’exposition suit le déroulement de la carrière d’Israël Silvestre, tout en mettant en lumière les principales villes et châteaux qu’il a représentés. Formé à la gravure dans le milieu de Jacques Callot, Israël Silvestre s’est très tôt consacré à la représentation des paysages urbains. Ses premières « vues », pittoresques et de petit format, illustrent aussi bien Nancy, où il est né, que les villes traversées, de Paris à Rome, où il effectue plusieurs voyages. Les oeuvres de la maturité offrent au contraire de vastes panoramas, montrant la capitale, avec ses fêtes royales et ses transformations. À la demande de Jean-Baptiste Colbert, surintendant des Bâtiments du roi, Israël Silvestre représente également le profil des villes conquises par Louis XIV en Lorraine et dans les Ardennes. Enfin, ses vues en série des beaux châteaux d’Ile-de-France (Vaux-le-Vicomte, Meudon, Montmorency, Versailles) renouvellent le regard sur l’architecture et les jardins.

Israël Silvestre, Vue de Verdun, 1665,
Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, Inv 33053
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado

Cette exposition est organisée avec le concours de la Bibliothèque nationale de France, de la Fondation Custodia, de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, du Mobilier national et de l’Institut national d’histoire de l’art.


PARCOURS DE L’EXPOSITION

INTRODUCTION

Israël Silvestre a mené une carrière officielle de graveur en France, sous le règne de Louis XIV (1643-1715). Né à Nancy, capitale du duché indépendant de Lorraine, il s’est très tôt consacré à la représentation des paysages urbains.
Naturalisé français, il est nommé graveur ordinaire du roi en 1663, chargé de représenter les Maisons royales, les vues des jardins, les carrousels… Le ministre Jean-Baptiste Colbert l’envoie ainsi dans l’Est en 1665 relever les villes conquises par le Royaume.
Si les eaux-fortes d’Israël Silvestre ont été largement diffusées, l’exposition invite à découvrir ses dessins, le plus souvent préparatoires à l’estampe, encore méconnus. Le musée du Louvre en conserve un ensemble exceptionnel dont de nombreuses feuilles sont présentées pour la première fois.
La première section de cette exposition aborde la jeunesse de Silvestre, formé à l’estampe dans le milieu de Jacques Callot (1592-1635), et rappelle les grandes étapes de son parcours officiel : membre de l’Académie royale de peinture et de sculpture, logé aux Galeries du Louvre, il fut également maître à dessiner du Dauphin, le fils aîné de Louis XIV, et des pages de la Grande Ecurie du roi.

Israël Silvestre, Château de Vaux. Vue du parterre de fleurs, vers 1659—1661,
Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, Inv 33024 © RMNGrand
Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado

JOURNAL DE VOYAGE

Le voyage à Rome constituait une étape importante dans la formation des jeunes artistes français du XVIIe siècle : ceux-ci y découvraient le foyer artistique le plus dynamique de l’Europe ainsi que les grands modèles de l’antiquité. Israël Silvestre se rendit trois fois à Rome entre 1638 et 1654, alors qu’il était âgé de 17 à 33 ans : la première fois en 1638-41, la seconde en 1643-1644 et la dernière en 1653-1654. C’est peut-être lors de son second séjour à Rome qu’il rencontra le peintre Charles Le Brun, avec qui il noua des liens durables d’amitié.
En Italie, Silvestre dessina des vues d’architecture rapides, largement lavées d’encre brune, mais également de grands panoramas urbains très détaillés, à la plume et encre brune. Il s’arrêta en chemin, à l’aller comme au retour, pour représenter par le dessin et la gravure les villes et les sites traversés : Tivoli, Frascati, le lac de Bolsena, Lorette, Florence, Sienne, Milan, Venise, Gênes pour l’Italie et Lyon, Avignon, Orange, Marseille côté France.

Israël Silvestre, Vue du Forum depuis le Colisée, vers 1643/44-1653, Paris, Fondation Custodia, collection Frits Lugt, 4996
© Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris.

VAUX-LE-VICOMTE OU L’EXPÉRIENCE DE LA GRANDEUR

Au cours des années 1650, le surintendant des Finances Nicolas Fouquet fit construire et décorer le château de Vaux-le-Vicomte et ses jardins. Le chantier prit fin brusquement quand Fouquet fut emprisonné, le 5 septembre 1661, sur ordre du roi. Israël Silvestre a pris part à cette aventure sans pareille aux côtés de l’architecte Louis Le Vau, du dessinateur de jardins André Le Nôtre, du décorateur Charles Le Brun, des hommes de lettres Jean de La Fontaine et Molière.

Il a gravé le domaine en trois grandes estampes et huit moyennes (terminées au milieu des années 1660), accompagnées d’un grand plan. Le Louvre conserve six dessins préparatoires à cet ensemble. Silvestre y célèbre les jardins de Le Nôtre, commencés vers 1653 et achevés en 1659, qui jouent sur les variations de niveaux du terrain et la diversité des parterres pour ménager des surprises visuelles. Au contact de Le Brun, Silvestre donne à ses compositions une ampleur nouvelle qui lui ouvre la voie des commandes royales.

Israël Silvestre, Vue du château des
Tuileries, prise depuis la rive gauche
de la Seine, vers 1670, Paris, musée du
Louvre, département des Arts
graphiques, Inv 33013
© RMN-Grand Palais (musée du
Louvre) / Michel Urtado

MISES EN SCÈNE PARISIENNES ET GRANDES FÊTES ROYALES

Pour ce Nancéien recueilli par son oncle à Paris à l’âge de dix ans tandis que son père était emporté par la peste, la capitale est la ville des apprentissages et des éblouissements. Israël Silvestre s’y forme, y noue des amitiés artistiques, y contracte un mariage heureux. Il la représente d’abord dans de petites estampes pittoresques avant de lui consacrer de grandes pages majestueuses à l’image des embellissements urbains ordonnés par la Monarchie.

Parallèlement, Silvestre s’est appliqué avec talent à la représentation des fêtes royales, qui le retiennent pour une période circonscrite entre 1654, date d’un rapide croquis des aménagements pour le sacre du roi à Reims, et le milieu des années 1670, avec la publication des fêtes versaillaises. Symbolique entre tous, le Carrousel du Louvre donné par Louis XIV les 5 et 6 juin 1662 expose aux yeux de la noblesse et des Parisiens la nouvelle autorité du monarque, qui choisit à cette occasion l’emblème du Soleil.

Israël Silvestre, Une figure en habit turc pour
un bal masqué (recto), 1665 ?,
Paris, musée du Louvre, département des
Arts graphiques, Inv 30019
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) /
Michel Urtado

CHÂTEAUX ROYAUX ET VILLES CONQUISES

Nommé graveur ordinaire du roi en 1663, Israël Silvestre fut envoyé en Lorraine et dans les Ardennes par le ministre Jean-Baptiste Colbert d’octobre à décembre 1665 pour dessiner les villes frontières nouvellement conquises par la Couronne. Il grava ensuite une sélection de ces dessins, en une, deux voire trois planches. Ce travail le retint jusqu’en 1670. Les estampes furent d’abord éditées en feuilles, mais elles auraient dû constituer un volume de la grande entreprise de célébration du règne connue sous le nom de Cabinet du roi.

Pour répondre à cette commande royale majeure, Silvestre a reçu des instructions de Colbert, qui a notamment fixé l’itinéraire et les places à étudier. Il disposait toutefois d’une certaine marge de liberté dans le choix du point de vue sur la ville, comme le révèlent les lettres qu’il lui adressa. Ces feuilles, comparables à celles qu’Adam-Franz Van der Meulen dessina au même moment dans le Nord du royaume, articulent admirablement la rigoureuse netteté des contours des fortifications et des bâtiments au brio du lavis d’aquarelle rapidement posé.

Israël Silvestre, Cortège de la marche triomphale du Carrousel, 1662 ?, Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, Inv 32993
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Thierry Le Mage

LES VUES DE MONTMORENCY OU L’HOMMAGE À CHARLES LE BRUN

La série des vues de Montmorency témoigne de l’amitié et de l’admiration mutuelle que connurent Israël Silvestre et Charles Le Brun (1619-1690), premier peintre de Louis XIV. Ils furent en effet amis tout au long de leur vie, vraisemblablement après s’être rencontrés en Italie en 1643-1644. Le Brun a également soutenu l’ensemble de la carrière de Silvestre, depuis les commandes des vues du château et du parc de Vaux-le-Vicomte jusqu’à son admission à l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, en 1670. Charles Le Brun s’était fait bâtir et aménager à partir de 1673 une maison de plaisance et des jardins tout à fait exceptionnels à Montmorency, au nord de Paris. Les vues que Silvestre exécuta des quatre façades de la demeure, du canal, des fontaines, grottes et cascades datent sans doute de la période de travaux du domaine que Le Brun dirigea entre 1673 et 1679. Des huit dessins connus de Montmorency, tous conservés au Louvre, seuls trois furent traduits par la gravure.

Israël Silvestre, Vue de Jametz (recto). 1665, Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, Inv 33058
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado

VERSAILLES : FÊTES, CHÂTEAU ET BOSQUETS

L’avènement monumental et politique du château de Versailles, résidence royale puis siège de la cour de France à partir de 1682, s’est accompagné d’une importante production de vues dessinées, peintes et surtout gravées, qui alla croissant dans le dernier tiers du XVIIe siècle. Israël Silvestre grava ainsi à de nombreuses reprises les façades et les plans du château, dès le début des années 1660 et jusqu’au début des années 1680, notamment pour le Cabinet du roi, entreprise éditoriale dirigée par le ministre Jean-Baptiste Colbert et l’homme de lettres Charles Perrault pour mettre en scène la gloire de Louis XIV.

La singularité des vues de Versailles par Silvestre se mesure par rapport à celles d’Adam Pérelle. Celles-là frappent par leur spectaculaire perspective « à vol d’oiseau », qui donne toute la mesure de la puissance versaillaise. Les dessins d’Alexandre Leblond, un artiste de la génération suivante de celle de Silvestre, marquent l’apparition d’une esthétique presque abstraite.

Israël Silvestre, Vue du château de Chambord, vers 1675, Paris, musée du Louvre, département des Arts
graphiques, Inv 33034 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado

LE DOMAINE DE MEUDON OU LE REPOS D’UN MINISTRE

La dernière grande suite qu’ait gravée Israël Silvestre est consacrée au château et au parc de Meudon. Le marquis de Louvois, alors ministre de la Guerre et bientôt des Bâtiments, Arts et Manufactures du roi, avait acheté le domaine en 1679 et s’y rendait régulièrement « pour travailler en repos et ne donner aucune audience ».
Très tôt célébré pour la beauté de la grotte qui y fut aménagée au XVIe siècle, le domaine fit l’objet d’embellissements par Louvois, auxquels œuvrèrent André Le Nôtre pour les jardins et Jules Hardouin-Mansart pour l’architecture. Le Louvre conserve cinq dessins de Silvestre exécutés sur le vif entre 1683 et 1687 pour une suite de six estampes. Le dessinateur y met en valeur la grotte, l’orangerie, le château, l’étagement des parterres et des perspectives, mais aussi l’exceptionnelle situation géographique du site qui donnait à Meudon l’apparence d’un jardin suspendu.

Israël Silvestre, Vue de la fontaine de la Renommée dans le parc du château de Versailles (recto), 1680, Paris, musée du Louvre, département
des Arts graphiques, Inv 33017 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado

En savoir plus:

Musée du Louvre jusqu’au 25 juin 2018

Lieu :
Rotonde Sully

https://www.louvre.fr

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