AU GRÉ DU RHIN, les grès allemands dans l’Europe de la Renaissance

L’exposition du musée de la Renaissance  qui se tiendra jusqu’au  avril 2015« Au gré du Rhin » dévoile une étonnante collection de grès allemands. Cruches, canettes, bouteilles… Le musée national de la Renaissance possède une soixantaine de grès fabriqués entre le XVIème et le début du XVIIIème siècle, dans les grands centres de la vallée du Rhin, comme Cologne, Siegburg ou encore Raeren.

Souvent représentés par les peintres du Siècle d’Or hollandais, ces objets de la vie quotidienne sont pourvus d’un abondant décor. Si les thèmes populaires sont parfois privilégiés, comme sur les cruches décorées de danses de paysans tirées de gravures de Hans Sebald Beham, les références à l’Antiquiténe sont pas délaissées, ainsi que le prouvent les vases ornés de profils d’empereurs romains.

Soucieux de transmettre un message moral à leur utilisateur, les grès ont également pour vocation d’offrir une alternative séduisante aux productions métalliques plus coûteuses. Les formes employées par certaines productions de Siegburg peuvent ainsi être comparées à celles réalisées par les potiers d’étain, tandis que les productions de Raeren ou encore du Westerwald trouvent un écho dans les objets des fondeurs de bronze voire des orfèvres germaniques et français.

Enrichissant le fonds du musée national de la Renaissance d’une vingtaine de prêts issus des collections françaises (musée du Louvre, musée du Petit Palais) et allemandes (Cologne, Museum für Angewandte Kunst), cette exposition aura pour vocation de faire découvrir au public français un art méconnu et de démontrer la perméabilité existant entre les objets populaires et leurs sources savantes, véhiculées par le biais d’estampes et de plaquettes de plomb.

Siegburg, Hans Hilgers, 1573 Canette Grès ; couvercle en étain C) RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d'Ecouen) / Adrien DIdierjean
Siegburg, Hans Hilgers, 1573
Canette Grès ; couvercle en étain
C) RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d’Ecouen) / Adrien DIdierjean

 

Cette canette, pourvue d’un couvercle en étain, montre trois cannelures horizontales, sur son col et à sa base. Sur le corps tronconique du grès sont appliqués trois reliefs portant chacun la représentation d’une figure de vertu placée sous une arcade. Elles peuvent être identifiées grâce à leurs attributs et à l’inscription portée sur une banderole : la Foi, tient une croix et un ciboire ; la Charité, entourée de putti, porte un petit enfant ; la Justice est armée d’une épée, une balance dans la main droite. Toutes trois sont vêtues et coiffées selon la mode contemporaine. Chaque tympan est orné d’un motif de grotesque, respectivement une créature fantastique ailée donnant naissance à des rinceaux de masques feuillus, deux êtres hybrides affrontés autour d’une vasque et une composition de feuilles.

Hans Hilgers, actif entre 1569 et 1595, reprend ici à son compte le vocabulaire architectural et décoratif de la Renaissance pour servir d’écrin à ces trois vertus. La représentation de vertus, cardinales et théologales, sur des pièces de Siegburg n’est pas rare et rappelle que les grès allemands, à l’instar des gravures et des plaquettes, peuvent aisément relayer des messages d’édification morale et religieuse.

Raeren, d’après une matrice de Jan Baldems Mennicken, vers 1602 Cruche dite des Princes-Électeurs Grès émaillé de bleu (C) R M N-Grand Palais (musée de la Renaissance, châeau d'Ecouen) /Mathieu Rabeau
Raeren, d’après une matrice de Jan Baldems Mennicken, vers 1602
Cruche dite des Princes-Électeurs
Grès émaillé de bleu
(C) R
M
N-Grand Palais (musée de la Renaissance, châeau d’Ecouen) /Mathieu Rabeau

Cette cruche présente au centre de sa panse une frise de médaillons ornés de sept portraits royaux et princiers (le roi de Suède, Philippe II d’Espagne, le prince de Parme, Henri III, Henri de Guise, Charles de Lorraine, Robert Dudley, comte de Leicester). Ce cycle surmontant un pied godronné est dominé par une suite de motifs ornementaux compartimentés. Le col est décoré de griffons et de fleurs dans des vases. La signature (IE) présente sur un écusson suspendu à un arbre est celle de Jan Emens, céramiste actif à Raeren. Une pièce comparable, conservée à Cologne, montre cependant la juxtaposition de la signature de Jan Emens et de celle du Maître PR, potier implanté dans le Westerwald, traditionnellement identifié avec le Lorrain Peter Rémy. Ce dernier se serait donc contenté de réutiliser les matrices créées par Emens à Raeren.

En savoir plus:

http://musee-renaissance.fr/

Vous aimez aussi