Cent chefs-d’Œuvre de Versailles à Arras

Abrité dans l’ancienne abbaye monastique du XVIIIème siècle, le Musée des Beaux-Arts d’Arras accueille jusqu’au 20 mai 2016 une nouvelle fois le château de Versailles. une centaine de chefs-d’oeuvre des collections du château de Versailles, dont certains jamais encore prêtés, sera présentée à Arras pour une durée de dix-huit mois. une plongée au cœur des fastes des XVIIe et XVIIIe siècles et aux sources de l’excellence du savoir-faire français à travers les chefs-d’œuvres de ses collections qui, pour un grand nombre, ne quittent jamais Versailles.

La Famille du duc de Penthièvre en 1768 dit aussi La Tasse de Chocolat.Jean-Baptiste Charpentier le Vieux, 1768, huile sur toile, château de Versailles.
La Famille du duc de Penthièvre en 1768 dit aussi La Tasse de Chocolat.Jean-Baptiste Charpentier le Vieux, 1768, huile sur toile, (c) château de Versailles.

Peintures, sculptures, mobilier, objets d’art… Les visiteurs découvriront des oeuvres exécutées par les plus grands artistes du temps, dans les matériaux les plus précieux, tels que le buste de Louis XIV de l’escalier des Ambassadeurs, les monumentales tapisseries des Gobelins, le grand bureau du Dauphin, la sculpture originale du bassin de Latone, les porcelaines de Marie-Antoinette, ou encore le groupe sculpté d’Apollon servi par les nymphes, monument de la sculpture française du XVIIème siècle.

Six ambiances évoqueront successivement les lieux et époques de la résidence royale ainsi que les personnages qui y ont vécu

      -De marbre, de bronze, d’or et d’argent pour le grand décor à l’italienne des Grands Appartements et de la galerie des Glaces.

Comme un lever de rideau, la première ambiance dévoilée aux visiteurs évoque le Grand Appartement de Versailles. Cet espace d’apparat, qui sert de cadre aux actes politiques du souverain et au grand cérémonial de cour, est marqué par la volonté du Roi Soleil d’affirmer ostensiblement sa puissance. Construit dans la décennie 1660-1670, il est situé dans la fameuse « enveloppe » de pierre élevée par l’architecte Le Vau au premier étage du château, donnant par de hautes fenêtres sur le parterre du Nord. Sur le modèle de l’Appartement des planètes du Palazzo Pitti à Florence, célèbre dans toute l’Europe au XVIIe siècle, Le Brun, premier peintre du Roi et grand ordonnateur de cet ensemble, crée un décor dont l’iconographie se développe autour d’Apollon, dieu du Soleil, des Arts et de la Paix, auquel le Roi s’identifie. Le décor fastueux de cette enfilade de sept salons aux grands plafonds peints ornés de stucs, se compose des matériaux les plus précieux – marbres de couleur, pierres dures, bois sculpté et doré, tentures d’étoffes précieuses -, à l’image du monumental et théâtral escalier des Ambassadeurs donnant accès au Grand Appartement, qui imposait à tous le luxe des lieux.

Buste de Louis XIV, provenant de l’escalier des Ambassadeurs Jean Varin, 1665-1666, marbre, (c) château de Versailles.
Buste de Louis XIV, provenant de l’escalier des Ambassadeurs
Jean Varin, 1665-1666, marbre, (c) château de Versailles.

Mobilier et objets d’art complètent ce dispositif : grandissimes cabinets, pièces d’orfèvrerie, mobilier d’argent, toiles des plus grands artistes, statues antiques, vases monumentaux, trophées de bronze… Les collections royales françaises impressionnaient tous les contemporains, et l’on reste encore émerveillé par cet ensemble. Les touristes du monde entier se pressent aujourd’hui, pour découvrir cette enfilade et leur point d’orgue, la galerie des Glaces. Construite à partir de 1678, cette pièce longue de 73 mètres et haute de 13 mètres est une œuvre d’art totale. Parée, à la voûte, des peintures de Le Brun, elle est également remarquable par ses 357 miroirs, d’un luxe insolent pour l’époque. Ils reflètent la lumière provenant des jardins, les grandes perspectives et les pièces d’eau du parc, faisant entrer le « dehors » au « dedans ».

La Grande Galerie, comme on l’appelait alors, servait quotidiennement de lieu de passage, d’attente et de rencontres, fréquenté par les courtisans et le public des visiteurs. Elle ne fut le cadre de cérémonies qu’exceptionnellement, lorsque les souverains voulurent donner le plus grand éclat à des réceptions diplomatiques venues du monde entier ou à des divertissements (bals ou jeux) offerts à l’occasion de mariages princiers. Le Grand Appartement du Roi et la galerie des Glaces restent aujourd’hui les espaces les plus emblématiques du Château, et l’un des rares décors XVIIe qui subsiste quasiment dans son intégralité.

Grille de la salle des Hoquetons. Nicolas Delobel, vers 1672, fer forgé et doré, (c) château de Versailles.
Grille de la salle des Hoquetons. Nicolas Delobel, vers 1672, fer forgé et doré, (c) château de Versailles.

Pour évoquer ce premier espace d’apparat, le visiteur sera accueilli de manière théâtrale par le Buste de Louis XIV de Jean Varin – replacé par un procédé de trompe l’œil dans l’ancien escalier des Ambassadeurs -, par de monumentales tapisseries de la manufacture de Gobelins tissées en laine, soie et fils d’or, ainsi que par des vases de porphyre, de marbre et d’albâtre provenant de la galerie des Glaces.

     – De boiseries et de marqueteries pour les petits cabinets où le goût du confort et le raffinement se substituent à la recherche de l’effet de majesté.

Le château de Versailles a été conçu par Louis XIV afin de mettre en scène le Roi. Ses successeurs, moins enclins à vivre journellement selon le grand cérémonial de cour, cherchent à se soustraire autant que possible à cette vie de perpétuelle représentation. Ils font donc aménager, à l’intérieur du château, des espaces de vie intime donnant sur les nombreuses cours intérieures du château. Dans un décor raffiné et confortable ils peuvent y accueillir une société réduite et choisie. Ainsi, à Versailles, le Roi et la Reine disposent chacun de « Petits Appartements », composés de nombreuses petites pièces : chambres privées, salles-de-bain, bureaux, bibliothèques, salon de compagnie ou salon de musique, cabinets scientifiques… qui se répartissent sur plusieurs niveaux. Les affectations de ces pièces varient selon les passions personnelles des souverains, auxquelles ils peuvent, ici, s’adonner en toute tranquillité.

Fauteuil à la reine du « mobilier aux épis » de la chambre à coucher de Marie?Antoinette au Petit Trianon. Georges Ier Jacob, 1787?1788, hêtre sculpté et peint, broderie de laine sur basin blanc, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN / © JM Manaï
Fauteuil à la reine du « mobilier aux épis » de la chambre à coucher de Marie?Antoinette au Petit Trianon. Georges Ier Jacob, 1787?1788, hêtre sculpté et peint, broderie de laine sur basin blanc, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN / © JM Manaï

La majesté fait place au raffinement et à l’intimité. A l’inverse du Grand Appartement conservé dans son état majestueux louis quatorzien, ces nouveaux espaces de vie reflètent fidèlement, par leur aménagement, le goût des princes et l’évolution des modes. Le mobilier, les décors, sont régulièrement transformés pour être mis au goût du jour. Parallèlement, le nombre de commandes de la cour concernant le mobilier et les objets d’art se multiplie, contribuant à une évolution sans précédent de l’art décoratif français. Les plus grands artistes de l’époque sont sollicités, ébénistes de la Couronne, menuisiers, sculpteurs, peintres sur porcelaine…. Ces Petits Appartements du château de Versailles constituent le précieux écrin de tous ces chefs-d’œuvre livrés par le Garde-Meuble royal.

En pénétrant dans la deuxième salle de l’exposition, le visiteur découvrira les appartements privés des princes, ornés de boiseries sculptées. Peintures, mobilier et objets d’art lui feront ressentir la vie à la cour, dans ces espaces intimes. Il pourra y admirer le tableau emblématique de La Famille du duc de Penthièvre dit aussi La Tasse de Chocolat de Jean-Baptiste Charpentier le Vieux, la grande fontaine à parfum en porcelaine et orfèvrerie réalisée pour Louis XV, ou encore le grand bureau du Dauphin, fils de Louis XV, chef-d’œuvre d’ébénisterie de style rocaille, réalisé par Bernard Van Risen Burgh.

     – D’eau et de fontaines qui sont l’âme des jardins.

Après avoir parcouru les « dedans » de la résidence, le visiteur découvrira les « dehors » : jardins, parcs et bosquets, ornés de somptueux jeux d’eau.

Les jardins de Versailles, véritable pendant végétal du château, constituent l’un des joyaux du Domaine. L’eau et les fontaines sont, sans aucun doute, l’ornement le plus spectaculaire de cette œuvre magistrale créée par André Le Nôtre. L’après-midi, le Roi effectue de longues promenades dans ses nouveaux jardins, au cours desquelles les fontaines sont mises en marche sur son passage, les unes après les autres, suscitant l’émerveillement de tous.

– De parcs et de forêt pour la fantaisie des bosquets et les domaines de chasse.

Le château de Versailles est entouré d’un vaste domaine (près de 800 ha aujourd’hui, il en comptait environ 15 000 à la fin du règne de Louis XVI). Animé par les eaux, le jardin est également un immense palais végétal se divisant en deux parties distinctes : «le petit parc» qui s’étend de la façade du château jusqu’au bout du Grand Canal, et le «grand parc», au-delà de cette limite.

G. et B. Marsy,  Latone et ses enfants, 1668-1670.
G. et B. Marsy, Latone et ses enfants, 1668-1670.

Dans le petit parc, les bosquets agrémentent la promenade des visiteurs. Ces massifs arborés sont entourés d’un rideau d’arbres taillés au cordeau. Ils dissimulent des espaces ouverts, insoupçonnés, véritables «salons de verdure» qui se découvrent au détour d’une allée. Ils sont la véritable et pleine expression du baroque dans les jardins de Versailles. A l’intérieur, créant la surprise, fontaines et jeux d’eaux, rocailles et treillages, sculptures ou petites architectures s’offrent au regard. C’est sans doute dans les quinze bosquets de Versailles, enrichis tout au long du règne de Louis XIV, que Le Nôtre exprime le mieux son génie. Il y déploie déploie son imagination pour sculpter de manière inédite l’eau, le minéral et le végétal. Lieux de plaisirs et d’émerveillements, ces bosquets sont le cadre de fêtes extraordinaires dont les représentations gravées assurent la renommée des jardins de Versailles à travers toute l’Europe.

Apollon servi par les nymphes François Girardon et Thomas Regnaudin, marbre (c) Chateau de Versailles
Apollon servi par les nymphes François Girardon et Thomas Regnaudin, marbre (c) Château de Versailles

Dans le grand parc, c’est une nature moins domestiquée qui domine, on pourrait parler d’une véritable forêt qui se déploie jusqu’aux confins du domaine. Ce vaste espace est le lieu de la chasse. École de la guerre et divertissement royal par excellence, la chasse figure dans les états de la France au titre de «plaisir du Roi», comme les «théâtres, ballets, spectacles et opéras». Versailles est, d’ailleurs, né de la chasse, puisque c’est sur ce domaine qu’Henri IV, puis Louis XIII venaient traquer le gibier. Chasse au tir (avec des chiens pour débusquer faisans, perdrix, bécasses, canards et lièvres), chasse de haut vol (avec faucons et éperviers), ou chasse à courre (loup, sanglier, chevreuil et cerf), chaque discipline est pratiquée par les souverains. Pour être certain de l’abondance du gibier on aménage même des faisanderies dans le grand parc ; ainsi le Roi peut revenir avec de très nombreuses prises et montrer, une fois encore, sa puissance et sa suprématie. La chasse est aussi un loisir de cour et c’est une grande faveur d’être admis à accompagner le Roi : c’est une occasion pour les courtisans de pouvoir participer à l’intimité royale.

   – De fleurs et de champs pour les palais de Trianon.

Au-delà du château et de ses jardins, Louis XIV décide d’aménager au nord-ouest, le domaine de Trianon.

Le Grand Trianon a été élevé par Jules Hardouin Mansart en 1687 sur l’emplacement de l’extravagant « Trianon de Porcelaine », que Louis XIV avait fait construire en 1670 pour y fuir les fastes de la Cour et y abriter ses amours avec Mme de Montespan. « Petit palais de marbre rose et de porphyre avec des jardins délicieux » selon la description de Mansart qui respecte à la lettre les indications de Louis XIV très impliqué dans cette construction, on ne peut que tomber sous le charme de cet édifice aux proportions élégantes dégageant intimité, douceur et grandeur. Très influencé par l’architecture italienne, ce palais de marbre rose s’étend sur un seul niveau, placé entre cour et jardin, recouvert d’un toit plat dissimulé par une balustrade. Ce « palais de Flore » est entouré de jardins remplis de toutes sortes de fleurs d’orangers, d’arbrisseaux verts et de plusieurs dizaines de milliers de plantes vivaces et tubéreuses. Enterrées en pots, afin de pouvoir être changées tous les jours, et créer ainsi un spectacle fleuri et embaumé, ces plantes offrent un décor vivant qui anime la perfection de cette architecture tout entière ouverte sur les jardins. Le Grand Trianon est sans doute l’ensemble de bâtiments le plus raffiné de tout le domaine de Versailles.

 

Illumination du Belvédère du Petit Trianon, 1781 Claude?Louis Châtelet (1753?1794), 1781, huile sur toile, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © EPV
Illumination du Belvédère du Petit Trianon, 1781 Claude?Louis Châtelet (1753?1794), 1781, huile sur toile, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © EPV

Madame de Pompadour, qui souhaitait « désennuyer le roi », fut l’instigatrice du Petit Trianon, petit château construit par Gabriel dans les années 1769, selon la dernière mode, dite « à la grecque ». Mais c’est bien le souvenir de Marie-Antoinette qui plane sur l’édifice. En 1774, Louis XVI offrit le domaine à la Reine qui put y mener une vie éloignée – trop éloignée pour certains – de la cour. Du rez-de-chaussée à l’étage de l’attique, l’architecte Ange-Jacques Gabriel réalise ici son chef-d’œuvre. A l’intérieur, sobriété, richesse raisonnée de l’ornement, ordre et perfection. Le vrai luxe du lieu réside dans le mobilier et les œuvres d’art, livrés par les plus grands artistes et artisans, d’une élégance exceptionnelle. Au Petit Trianon la Reine vit plus simplement, dans le cadre enchanteur des nouveaux jardins pittoresques qu’elle a fait aménager, avec ces petites « fabriques » à la mode, le Temple de l’Amour, le Belvédère et son rocher, ou encore la grotte… Le Hameau de la Reine, et la ferme, parachèvent ce domaine, véritable pastorale féérique.

Cette atmosphère florale et champêtre de Trianon sera évoquée au travers des plus beaux portraits de Madame de Pompadour ou de la Reine Marie- Antoinette, des services en porcelaines réalisés pour le Petit Trianon, et du mobilier précieux comme le célèbre mobilier « aux épis », un ensemble commandé pour la chambre de Marie-Antoinette au Petit Trianon et dont le décor champêtre rappelle les jardins environnants.

 

Fêtes de 1674, cinquième journée : feu d'artifice sur le canal de Versailles, Jean Le Pautre (1618?1682), estampe, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN / © JM Manaï
Fêtes de 1674, cinquième journée : feu d’artifice sur le canal de Versailles, Jean Le Pautre (1618?1682), estampe, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Château de Versailles, Dist. RMN / © JM Manaï

 

    – De fêtes et de feux pour les réjouissances les plus éblouissantes des règnes de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI.

Enfin, comment parler de Versailles sans évoquer les fêtes éblouissantes qui ont rythmé tous les grands moments de l’Ancien Régime ? La fête est partout présente à Versailles, dans tous les lieux, sous toutes les formes. En effet les fêtes, les illuminations et les spectacles pyrotechniques donnés à Versailles de Louis XIV à la Révolution symbolisent, à eux seuls, les fêtes royales qui animèrent le château et ses jardins. Plus qu’un simple divertissement, ces fêtes dont la magnificence est diffusée dans l’Europe entière, symbolisent toute la puissance de la couronne de France. Dès le début de son règne personnel Louis XIV se présente comme l’enchanteur, des fêtes qui ont la particularité, pour les plus marquantes, de se dérouler en plein air, dans les nouveaux jardins de Versailles. Au cours des règnes suivants, les fêtes sont traditionnellement données à l’occasion d’un évènement politique, diplomatique ou dynastique. Sous la houlette de Carlo Vigarani, l’intendant des plaisirs de Louis XIV, puis sous la direction de l’administration des Menus Plaisirs, des centaines de musiciens, chanteurs, décorateurs, cuisiniers, danseurs, cavaliers, fontainiers, artificiers et jardiniers élaborent des décorations et structures éphémères les plus irréelles.

Dans cette ultime salle de l’exposition les visiteurs pourront admirer les gravures et tableaux relatant les épisodes les plus marquants de ces événements, du règne de Louis XIV à celui de Louis XVI, des fêtes légendaires et inoubliables, racontées, gravées, diffusées, et dont la démesure étonne encore aujourd’hui.

http://100chefsdoeuvre.versaillesarras.com/

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